Les inégalités
dans le monde occidental sont au plus haut depuis la Belle Epoque: tandis que
les 1% des plus hauts revenus ont vu leur part du gâteau augmenter1,
les classes moyennes ou les couches les plus défavorisées ont, elles, vu leurs
revenus stagner voire décliner. Ainsi fatigués d’être les dindons de la farce, les
99% s’organisent et lancent Occupy Wall Street ou les Indignés. Mais une
question fondamentale reste en suspens: c’est grave un monde inégal?
Random phrase
mercredi 5 décembre 2012
vendredi 9 novembre 2012
L’équipe de foot de Louis Gallois
mardi 6 novembre 2012
Les marchés, c’est la santé
Le 28 juin
dernier, la Cour Suprême américaine a tranché et donné son feu vert à
l’administration Obama pour mettre en œuvre la réforme du système de santé, qui
va donner une couverture médicale à environ 30 millions d’Américains. Cette
décision est l’issue d’une virulente guerre de tranchée politique et d’une
bataille judiciaire longue de 4 ans. Pourquoi cette loi, qui paraît
bénéfique pour tout le monde, a-t-elle suscité autant de débats et une opposition
aussi violente?
Mais comment sont-ils arrivés dans cette galère?
Le Affordable Care Act, proposition
fondamentale du programme de Barack Obama lors des précédentes élections présidentielles
de 2008, vise à reformer le système de santé, en étendant la couverture sociale
à l’ensemble de la population, et à baisser le niveau total des dépenses de
santé. La loi rend donc obligatoire
d’une part la souscription à une assurance pour les patients (à
l’exception de ceux déjà couverts par l’Etat) et d’autre part oblige les
assureurs à accepter tous les patients, sans condition de santé ou d’âge. Des
marchés centralisés seront mis en place au niveau des états pour faciliter les achats
de couverture médicale.
TVA sociale, tu perds ton sang-froid
Repost du 09/03/2012 11h49
L’idée de « TVA sociale » est dans l’air depuis un certain temps déjà, elle a pris de la substance depuis les annonces du chef de l’Etat. Découlant de la rigueur allemande, elle est censée redresser les torts de la mondialisation. De quoi parle-t-on au final ?
L’idée de « TVA sociale » est dans l’air depuis un certain temps déjà, elle a pris de la substance depuis les annonces du chef de l’Etat. Découlant de la rigueur allemande, elle est censée redresser les torts de la mondialisation. De quoi parle-t-on au final ?
Un nom d’emprunt
Les politiques l’appellent TVA sociale, mais son vrai nom, qu’elle cache bien dans toute cette histoire, est dévaluation fiscale ! En effet, avant de jouer les Robins des Bois de la fiscalité, il s’agit bien d’un mécanisme économique connu, mais qui a été peu utilisé en grandeur nature jusqu’à présent.C’est une dévaluation, car son objectif est de reproduire les effets d’une dévaluation du taux de change, mais fiscale, car il est question d’utiliser les impôts (directs et indirects) pour ce faire, plutôt que de toucher au cours de l’Euro, ce que le gouvernement français ne peut pas faire de toutes façons.
Regardons de plus près son mécanisme :
La TVA sociale c'est quoi ? by zoomzoomout
Le dessous du coup de poker
Même si la recherche économique est pour le moment en retard par rapport au débat politique, elle semble se diriger vers un consensus concernant l’efficacité théorique et la faisabilité de la dévaluation fiscale. Cependant, le manque de précédant historique semble exiger une certaine prudence. Les modalités pratiques optimales ne sont pas claires, compte tenu de la complexité du système d’imposition. D’autre part, il est possible (mais peu probable au vu des mesures allemandes de 2007 de TVA à visée sociale) que d’autres Etats membres l’appliquent aussi comme mesure de rétorsion, ce qui rendrait la dévaluation moins efficace.Le débat actuel en France porte sur l’atteinte aux revenus des plus pauvres. La TVA sociale renchérira bien sûr le coût de la consommation pour les plus pauvres car une portion des biens consommés, importés de l’extérieur, verront de toute façon leur prix augmenter. Une autre source de problème est la régressivité de la TVA, en ce sens que les plus pauvres payent proportionnellement plus de TVA que les plus riches. Ce sont les deux éléments les plus importants à mon sens. Une solution serait de ne réduire les charges sociales que des bas salaires. Là aussi, l’effet réel est difficile à prévoir, mais selon le FMI, cela démultiplierait les effets sur l’emploi.
On entend par ailleurs souvent que les entreprises ne vont pas répercuter la baisse des charges sociales afin d’améliorer leurs marges. Pourtant, jusqu’à preuve du contraire, la TVA sociale ne va pas remettre en cause le fait que les entreprises se font concurrence ; mais il y a un fonds de vérité à cela : les prix sont rigides et s’ajustent lentement, à la hausse comme la baisse. Cependant, l’amélioration des marges des entreprises devrait les pousser à investir et à embaucher.
C’est Angela qui l’a dit
L’Allemagne a déjà mis en place une telle politique en 2007, et c’est bien sur cette expérience que Nicolas Sarkozy s’appuie pour vanter les mérites de la TVA sociale. Cependant ses effets Outre-Rhin sont encore loin d’avoir été quantifiés complètement, et les différences de modalités d’application sont susceptibles de créer des différences importantes. Pour le social, on repassera comme le souligne Thomas Piketty dans un article pour Libé, mais du point de vue strictement économique, le but de la manœuvre est de soutenir l’emploi quantitativement et non qualitativement.Finalement, même si c’est un dispositif qui présente beaucoup d’avantages directs pour les entreprises, par les temps de rigueur fiscale qui courent, l’Etat va avoir beaucoup de mal à continuer à être le moteur de la création d’emploi après le coup de semonce de la perte du AAA. La voie du privé est donc une issue, à savoir si c’est la bonne…
Baby-sitting de l'économie
Repost du 10/01/2012 13h29
Les banques centrales sont depuis de nombreuses années au cœur de l’actualité financière et économique. Depuis la crise de 2008, elles sont l’objet de l’attention de tout un chacun.
Alors que Mario Draghi a récemment remplacé Jean-Claude Trichet à
la tête de la Banque Centrale Européenne (BCE), petit coup de
projecteur sur le rôle un peu particulier de cette institution dans
notre vie de tous les jours.Les banques centrales sont depuis de nombreuses années au cœur de l’actualité financière et économique. Depuis la crise de 2008, elles sont l’objet de l’attention de tout un chacun.
La planche à billet
En première approximation, une banque centrale est en charge du monopole de l’Etat sur l’argent, de même façon que l’Etat a le monopole sur la sécurité (la force légitime) via la police. De façon simplifiée, cela leur donne une fonction stabilisatrice de l’économie, en particulier sur l’inflation et sur le PIB. Dans certains cas, particulièrement pour les banques de pays émergents, dont la monnaie n’est pas un pilier du système monétaire international comme le dollar ou l’euro, elles ont un rôle de contrôle des réserve de change (et donc du taux de change).Elles ont aussi une fonction bancaire, comme leur nom l’indique, et sont pour ainsi dire les banques des banques. En particulier, c’est pour cela que le Federal Reserve System américain a été fondé en 1913, pour éviter une nouvelle panique comme celle de 1907 où un (très riche) particulier, John Pierpont Morgan (fondateur de la banque éponyme) a renfloué à lui tout seul le système. Il faut voir que les échelles aussi ont changé: Warren Buffett n’a fait qu’injecter une fraction des besoins en capital d’une seule banque, Goldman Sachs, lors de la chute de Lehman Brothers en 2008.
Cible mouvante
Les techniques utilisées pour contrôler la politique monétaire sont en constante évolution. Depuis une quinzaine d’années, les banques centrales fonctionnent en ciblant l’inflation. Aux Etats-Unis, la cible officieuse serait de 2%, tandis qu’au Royaume-Uni, le gouverneur de la Bank of England doit écrire une lettre au Chancellor (ministre des finances) dès que l’inflation dépasse le seuil des 3%. Pour mener à bien leur objectif, elles influent principalement sur le taux d’intérêt à très court terme: de façon simplifiée, lorsque les taux d’intérêts montent, les agents économiques (entreprises et individus) empruntent moins, épargnent plus et par voie de conséquence consomment moins, ce qui atténue la pression sur les prix. La règle de Taylor (du nom d’un économiste de Stanford) permet de représenter la fonction de réaction d’une banque centrale aux différents paramètres macroéconomiques.Keynes et les baby-sitters
Une des illustrations les plus éclairantes de la fonction d’une banque centrale est tirée de l’expérience réelle d’une coopérative de baby-sitting parmi des fonctionnaires de Washington, décrite par Paul Krugman dans son livre The Accidental Theorist. Cet exemple est développé en slide share ci-dessous.Lords of finance
Mais les banques centrales restent des institutions auxquelles le grand public a un accès très restreint: la première conférence de presse d’un président de la Fed date d’avril 2011 et encore aujourd’hui, pratiquement aucune banque centrale ne publie de comptes-rendus des réunions concernant le choix du taux directeur. Ceci est d’autant plus important que leurs statuts leurs garantissent l’indépendance du pouvoir exécutif, au même titre que la justice et le législatif, ce qui permet d’éviter des problèmes tels que ceux observés au Zimbabwe récemment. Mais bien sûr le risque qu’encourt un tel système est de voir des technocrates dissociés du reste de la population prendre des décisions au nom de tous. D’autant que les banquiers centraux ne sont pas à l’abri d’erreurs, comme celles qui ont été faites dans les années 30. Il faut donc espérer que les recettes sont les bonnes aujourd’hui !Le tonneau des Danaïdes
Repost du 23/09/2011 10h42
Une comédie familiale, qui tient plus du vaudeville, se déroule maintenant en Europe. Après la démission d’Axel Weber, Jürgen Starck a lui aussi quitté la Banque Centrale Européenne, semant de plus en plus le trouble sur la capacité (et la volonté) de l’Atlas allemand de soutenir la politique européenne. Mais, dans cette affaire, les Français ne sont pas plus décisifs…
Une comédie familiale, qui tient plus du vaudeville, se déroule maintenant en Europe. Après la démission d’Axel Weber, Jürgen Starck a lui aussi quitté la Banque Centrale Européenne, semant de plus en plus le trouble sur la capacité (et la volonté) de l’Atlas allemand de soutenir la politique européenne. Mais, dans cette affaire, les Français ne sont pas plus décisifs…
Comme dirait Coluche
C’est l’histoire d’un mec, un peu roublard, qui voulait partir en vacances avec sa famille. Comme il n’est pas bien riche, pour ce faire, il va voir son banquier, qui lui prête un peu plus que ce dont il a besoin. Ses frères et sœurs, tout heureux de le voir être du voyage, ne posent pas trop de questions quant à la source des fonds.Mais la bise est venue, et le mec un peu roublard n’a pas de quoi rembourser. Sa femme et ses enfants ne sont pas contents de se serrer la ceinture, surtout qu’ils n’ont pas l’impression d’avoir autant profité des vacances que le mec roublard.
Comme la famille c’est la famille, les frères et sœurs se cotisent pour le tirer de l’ornière. Mais ce n’est pas de gaieté de cœur, alors ils le titillent un peu. Sauf que comme sa femme et ses enfants refusent d’abandonner leurs habitudes (après tout ce n’est pas de leur faute si tout cela arrive), bah le mec roublard a toujours du mal à payer ses dettes. Il faut dire qu’il en a beaucoup. En plus, il travaille, mais pour une raison quelconque, il n’arrive pas à toucher l’intégralité de son salaire, et visiblement, ça prendra du temps pour résoudre ce problème.
Bien sûr, il y a aussi les banques, mais pour elles, le mec roublard c’est pas de la famille, donc elles lui prêtent de moins en moins d’argent avec un taux de plus en plus prohibitif.
Alors que faire: ne pas rembourser la banque ? Cela donnerait une réputation de mauvais payeurs aux frères et sœurs, et ils auraient eux-mêmes plus de mal à emprunter pour acheter cet appart dont ils ont envie depuis des années. Ca serait injuste, surtout qu’ils n’y sont pour rien, c’est juste qu’ils aiment leur frère.
Interdire les sorties piscine et cinéma aux enfants, et ne plus payer de dîner romantique à madame ? Possible, mais c’est encore trop injuste, ils ont rien demandé, et en plus ils ont pas eu de homard pendant ces fameuses vacances, eux.
Alors vendre les meubles ? C’est dommage on y tient, le vase de grand-mère, c’est dommage quand même…
Boucher les trous
Evidemment dans le rôle du mec, il s’agit bien de la Grèce. La balle est maintenant dans le camp des politiques. Stop à la frilosité, stop aux démissions absurdes. Les pays forts de la zone euro doivent prendre leurs responsabilités. La Banque Mondiale, par la voix de son président (des gens certainement plus compétents que moi), ont lancé le même appel, le 16 septembre:«A moins que l’Europe, le Japon et les Etats-Unis ne commencent à prendre leurs responsabilités, ils risquent non seulement d’entrer en crise, mais d’entraîner l’économie mondiale avec eux. […] Ils ont procrastiné pendant trop longtemps avant de prendre les décisions difficiles, limitant les possibilités à une poignée de choix douloureux.»
Par ailleurs, il faut aussi souligner que le répit semble vouloir venir de Chine, qui se dit prête à acheter de la dette de pays européens en difficulté. Il semblerait que les Chinois aient compris l’importance de la stabilité économique mondiale pour leur propre fonctionnement (ce qui est bien sûr facilité par leurs réserves monétaires imposantes). Ceci est quelque chose que les Britanniques, s’abritant comme un cache-misère derrière la livre, ne semblent pas vouloir comprendre, et se lavent les mains de tous problème sur «le Continent».
Malheureusement, ceux qui vont subir le plus sont donc les Grecs. Le FMI, la BCE et la Commission Européenne exigent maintenant que la Grèce remplisse des pré-requis encore plus drastiques qu’auparavant. Entre autres, le gouvernement veut baisser le montant de la retraite de 1200€ et 100,000 employés du secteur public vont bientôt être au chômage technique. Evidemment, tout ça ne peut pas se faire dans la douceur, Athènes est paralysée. Hier, aucun transport en commun ne circulait, pas de vols ni de taxis et des manifestations d’enseignants congestionnaient la ville.
Le seul moyen de sortir la tête haute de cette crise, c’est la solidarité et le partage de la douleur. Même si c’est trop injuste pour tout le monde. Au final, ce sont des choix que nos dirigeants vont devoir faire, dont ils devront prendre la responsabilité devant leurs électeurs. Nous allons sûrement en subir les conséquences, mais c’est bien parce que l’Europe n’est pas qu’une construction économique ou une chimère d’après-guerre. C’est une grande famille, et on doit en prendre soin, même si le frère en question est un boulet.
Les AAAgences de notation font le BBBranle-bas
Repost du 29/08/2011 10h52
On l’a vu pendant cet été, les médias se sont beaucoup excités sur l’abaissement de la note des Etats-Unis, prédisant un cataclysme économique. Les marchés ont effectivement tremblé mais pas pour cette raison…
On l’a vu pendant cet été, les médias se sont beaucoup excités sur l’abaissement de la note des Etats-Unis, prédisant un cataclysme économique. Les marchés ont effectivement tremblé mais pas pour cette raison…
Juge, jury – bourreau ?
Mine de rien, les agences de notation existent depuis un bout de temps : les trois principaux acteurs que sont Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch ont été fondés depuis au moins le début du XXe siècle. Elles ont pour but d’estimer la qualité de la dette émise par diverses entités au travers d’une note. Elles utilisent des conventions différentes, mais pour simplifier, un niveau AAA correspond à de la dette sans risque (comme celle de l’Allemagne par exemple), et les notes décroissent jusqu’à l’échelon le plus bas, D, quand l’émetteur a déjà fait défaut. En particulier ces notes sont utilisées pour un certain nombre de règles dans le domaine financier. Les trois agences susnommées ont donc un statut quasi officiel aux yeux des régulateurs américains et européens.Il s’ensuit qu’elles ont un pouvoir énorme sur le destin de différents acteurs économiques. Le contrôle prudentiel impose par exemple aux assureurs et aux fonds de retraite de n’investir que dans de la dette notée BBB et au dessus (appelée investment grade – en dessous on parle de dette poubelle, en anglais des junk bonds). En particulier une entreprise qui passerait cette frontière serait doublement touchée, et serait d’autant plus poussée vers la faillite. Mais qu’en est-il des Etats-Unis?
Full faith and credit…
Car effectivement, ca fait des années qu’on parle du rythme de consommation effréné des Américains, et de l’endettement qui soutient cette demande. Passé la crise, cet endettement est passé des mains des banques à celui de l’Etat fédéral qui se retrouve devant la nécessité de couper les coûts. Un grand nombre de projections prédisent que la dette américaine dépassera les 100% du PIB (c’est-à-dire l’intégralité des revenus du pays) à court terme. Pour pouvoir faire face à ses obligations, l’Etat américain a dû relever le niveau d’endettement qu’il s’est lui-même fixé. On l’a vu début août, cette procédure a fait l’objet d’intenses négociations à cause de la pression des Républicains. Et c’est en particulier cette incertitude politique qui a amené S&P à baisser la note des USA.Mais si on y regarde de plus près, ce n’est pas parce qu’il y a eu des discussions autour des concessions pour effectuer le relèvement du plafond qu’il y avait une chance que celui-ci n’ait pas lieu. Les deux autres agences ont par ailleurs confirmé la note maximale, l’une d’elle affirmant considérer « les politiques mises en place plutôt que les discussions les précédant ». D’autres ont aussi réaffirmé leur infaillible foi en l’Amérique, surtout Warren Buffet, qui non seulement trouve ridicule l’idée d’abaisser la note des Etats-Unis mais au contraire dit qu’il faudrait lui donner un quadruple A! Malgré tout, on peut se demander si « l’Oracle d’Omaha » ne commence pas à s’identifier un peu trop à son surnom, ou encore si ce n’est pas de la méthode Coué, car son investissement principal, c’est avant tout les Etats-Unis…
Un message à caractère informatif
Venons en maintenant au rôle (supposé) des agences de notations dans la débâcle des marchés mi-août. Selon un certain nombre de commentateurs, c’est l’annonce de S&P qui aurait précipité le vent de panique qui a soufflé. Et ces mêmes commentateurs de mettre en doute la crédibilité des agences, prenant pour exemple les erreurs, monumentales il faut le souligner, des celles-ci, au sujet des produits titrisés qui ont été au cœur de la crise de 2008.Cependant, il est important de voir que les notes sur la dette souveraine sont basées sur des informations publiques contrairement aux notes sur produits titrisés. Ce sont donc deux branches séparées: d’un côté, l’agence de notation agît en prestataire de services, rémunéré par les émetteurs des actifs, avec un accès privilégié aux données sensibles des portefeuilles ; les notes sont donc censées avoir une valeur informationnelle importante (mais on l’a vu, elles étaient souvent erronées). De l’autre, l’agence de notation est un observateur, un météorologue presque, dont le rôle particulier est surtout dicté par le titre qui leur a été accordé par les US. Par ailleurs, leur performance dans ce domaine a été très bonne. Comme l’a dit The Economist, « l’abaissement de la note n’a pas été considéré comme apportant des informations nouvelles concernant la solidité financière des Etats-Unis ».
C’est donc une erreur de penser que cet événement a directement une valeur pour les investisseurs. Il peut cependant exister un certain nombre de dispositions autour de la dette (appelées covenant en Anglais), qui régissent les droits et devoirs de l’emprunteur et du prêteur, en particulier par rapport aux notes. Celles-ci ont parfois des conséquences inattendues, sous forme de prophétie auto-réalisatrices. Elles peuvent créer une panique car elles sont très difficiles à recenser, et que donc il est très difficile d’estimer leur impact potentiel.
Malgré tout, à mon sens, cet impact devrait être proche du néant : les Etats-Unis ont une dette AAA depuis tellement longtemps qu’il est douteux qu’il y ait des obligations spéciales vis-à-vis des obligations américaines à une échelle vraiment importante. La panique est probablement plus due aux nouvelles économiques moroses des deux côtés de l’Atlantique, ainsi qu’au manque de liquidité caractéristique du mois d’août. Et enfin, contrairement aux rumeurs colportées ici ou là, la France va bien et conserve une assise financière solide!
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Pour plus d’informations voir l’excellente interview de Rama Cont dans Le Monde.
Argent, trop cher!
Repost du 29/06/2011 11h31
« L’inflation augmente! Tout est plus cher! C’est le pétrole! C’est l’euro! Le panier de la ménagère ne veut rien dire! Mon pouvoir d’achat s’effondre! » Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’inflation est probablement l’indicateur économique qui déchaîne le plus les passions, et pour cause: il touche directement au portefeuille.
« L’inflation augmente! Tout est plus cher! C’est le pétrole! C’est l’euro! Le panier de la ménagère ne veut rien dire! Mon pouvoir d’achat s’effondre! » Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’inflation est probablement l’indicateur économique qui déchaîne le plus les passions, et pour cause: il touche directement au portefeuille.
C’est un phénomène curieux, qui existe possiblement depuis
l’invention de la monnaie, à la fois psychologique et éminemment
rationnel. Les empereurs romains sont les premiers à expérimenter avec
la manipulation de la monnaie, en ajoutant progressivement une quantité
de plus en plus importante de métal quelconque dans les pièces d’or.
Mais les citoyens n’étaient pas dupes et ça a lamentablement raté à
chaque fois…
De nos jours, l’inflation est une donnée que les autorités politiques et économiques tiennent absolument à maîtriser, puisqu’on peut tout d’abord la comparer à une taxe, sur les plus pauvres et sur les épargnants, car elle diminue le pouvoir d’achat et diminue la valeur de l’argent disponible. Ensuite, une inflation forte sur le long terme entraîne une perte de confiance dans la monnaie, faisant croître l’économie parallèle et, poussée à certains extrêmes, brisant le tissu social. On l’a vu dans l’Allemagne des années 30 et dans le Zimbabwe d’aujourd’hui, l’hyperinflation entraîne la ruine du plus grand nombre, préservant les quelques privilégiés qui disposent de leurs avoirs en monnaie étrangère.
Un certain nombre de critiques ont été adressées à l’IPC, en premier lieu du point de vue de la méthodologie. Passons sur le fait que mathématiquement, il semblerait que la formule produise un biais. Le problème principal à mon sens et que c’est une moyenne qui ne reflète pas forcément nos besoins et consommations particuliers (comme le souligne Le Figaro, 40% des Français payent un loyer, qui représente environ 20% des revenus de ceux-ci, tandis que les dépenses logement ont un poids de 6% dans l’IPC). Depuis 2007, l’Insee nous permet de calculer notre propre indice des prix, pour tenir compte de sa consommation propre de pizzas, de clopes ou d’engrais chimique. Cependant, le système reste opaque, car pour éviter les possibles manipulations, l’Insee ne publie que le strict nécessaire, ce qui forcément ne favorise pas la confiance. Ailleurs dans le monde, les soupçons planent souvent sur les résultats officiels, et nombre d’initiatives privées fournissent leur propre mesure, locale (comme par exemple en Argentine où plus personne ne regarde le chiffre du gouvernement) ou globale (comme le Billion Prices Project qui suit tous les jours les prix des vendeurs en ligne).
Autre source de conflit, l’indice officiel est calculé «à qualité constante», c’est- à-dire que l’office statistique se débrouille (via ce qu’on appelle une régression hédoniste) pour rendre comparable ce qui ne l’est plus du fait par exemple du progrès technique. Ceci est surtout sensible dans le secteur de la technologie (à caractéristiques techniques et performance constantes, le prix des ordinateurs a baissé au cours du temps), mais est applicable aussi aux voitures par exemple.
On voit donc pourquoi l’Insee dit que le pouvoir d’achat n’a pas baissé alors que les médias répètent à l’envie qu’on devient plus pauvre de jour en jour : un cadre supérieur peut partir en weekend plus souvent et pour moins cher (avec Easyjet) et s’équiper en électronique performante pour le même prix qu’avant (car un ordinateur deux fois plus puissant coûte le même prix qu’avant). Pendant ce temps, la personne dont les revenus sont plus modérés, voit juste le prix de sa nourriture et de ses frais de transports augmenter, rognant ses dépenses discrétionnaires. Elle voit aussi que ça lui fait une belle jambe que les PC soient plus puissants au même prix : elle n’a pas les moyens de s’en acheter un de toute façon…
Par ailleurs, l’offre et la demande n’ont donc pas d’influence à long terme, car il y aura toujours un retour au prix d’équilibre. La quantité d’argent dans le système est donc l’unique déterminant de l’inflation pour les économistes, et cette masse monétaire est contrôlée par la banque centrale. D’où l’insistance pour l’indépendance de celle-ci, car généralement les politiques font un mauvais usage de cette manette (c’est donc bien Mugabe qui est derrière l’inflation au Zimbabwe). Cependant les économistes ne sont pas aveugles et voient bien qu’au jour le jour, le prix du pétrole a un impact direct sur le portefeuille via le prix de l’essence, mais ils ne considèrent ceci que comme un choc temporaire, n’affectant pas l’inflation «de fond», c’est-à-dire sa tendance à long terme. En particulier la Réserve Fédérale américaine base sa politique sur la «core inflation», en excluant le prix de l’énergie et de la nourriture, dont les déterminants principaux sont l’offre et la demande de court terme.
De nos jours, l’inflation est une donnée que les autorités politiques et économiques tiennent absolument à maîtriser, puisqu’on peut tout d’abord la comparer à une taxe, sur les plus pauvres et sur les épargnants, car elle diminue le pouvoir d’achat et diminue la valeur de l’argent disponible. Ensuite, une inflation forte sur le long terme entraîne une perte de confiance dans la monnaie, faisant croître l’économie parallèle et, poussée à certains extrêmes, brisant le tissu social. On l’a vu dans l’Allemagne des années 30 et dans le Zimbabwe d’aujourd’hui, l’hyperinflation entraîne la ruine du plus grand nombre, préservant les quelques privilégiés qui disposent de leurs avoirs en monnaie étrangère.
Indice, en bas de votre écran
Par définition, l’inflation est tout simplement le taux d’accroissement des prix de ce que nous consommons. Là se posent déjà deux problèmes: de quels prix parle-t-on, et de quelle consommation s’agit-il au juste? En France, c’est l’Insee qui se charge de mesurer l’Indice des Prix à la Consommation (IPC), à partir duquel on détermine l’inflation. Il est calculé en relevant les prix affichés dans les magasins d’un certain nombre de villes en France, ainsi que les prix des fournisseurs de services (électricité, gaz, téléphone) et des vendeurs par correspondance, et ce à qualité constante. L’Insee se targue d’une couverture de 95% de la consommation en France, mais exclut le prix d’achat d’un logement (qui est plutôt considéré comme un actif au même titre qu’une action, que comme un produit de consommation). Eco89 propose un petit question-réponse intéressant pour plus de détails, et bien sûr, l’Insee met à disposition une bonne quantité d’informations sur son site.Un certain nombre de critiques ont été adressées à l’IPC, en premier lieu du point de vue de la méthodologie. Passons sur le fait que mathématiquement, il semblerait que la formule produise un biais. Le problème principal à mon sens et que c’est une moyenne qui ne reflète pas forcément nos besoins et consommations particuliers (comme le souligne Le Figaro, 40% des Français payent un loyer, qui représente environ 20% des revenus de ceux-ci, tandis que les dépenses logement ont un poids de 6% dans l’IPC). Depuis 2007, l’Insee nous permet de calculer notre propre indice des prix, pour tenir compte de sa consommation propre de pizzas, de clopes ou d’engrais chimique. Cependant, le système reste opaque, car pour éviter les possibles manipulations, l’Insee ne publie que le strict nécessaire, ce qui forcément ne favorise pas la confiance. Ailleurs dans le monde, les soupçons planent souvent sur les résultats officiels, et nombre d’initiatives privées fournissent leur propre mesure, locale (comme par exemple en Argentine où plus personne ne regarde le chiffre du gouvernement) ou globale (comme le Billion Prices Project qui suit tous les jours les prix des vendeurs en ligne).
Autre source de conflit, l’indice officiel est calculé «à qualité constante», c’est- à-dire que l’office statistique se débrouille (via ce qu’on appelle une régression hédoniste) pour rendre comparable ce qui ne l’est plus du fait par exemple du progrès technique. Ceci est surtout sensible dans le secteur de la technologie (à caractéristiques techniques et performance constantes, le prix des ordinateurs a baissé au cours du temps), mais est applicable aussi aux voitures par exemple.
On voit donc pourquoi l’Insee dit que le pouvoir d’achat n’a pas baissé alors que les médias répètent à l’envie qu’on devient plus pauvre de jour en jour : un cadre supérieur peut partir en weekend plus souvent et pour moins cher (avec Easyjet) et s’équiper en électronique performante pour le même prix qu’avant (car un ordinateur deux fois plus puissant coûte le même prix qu’avant). Pendant ce temps, la personne dont les revenus sont plus modérés, voit juste le prix de sa nourriture et de ses frais de transports augmenter, rognant ses dépenses discrétionnaires. Elle voit aussi que ça lui fait une belle jambe que les PC soient plus puissants au même prix : elle n’a pas les moyens de s’en acheter un de toute façon…
A Monetary History of the United States, 1867-1960
Qu’est-ce qui cause l’inflation? Que fait l’État là-dedans? Et l’OPEP? L’explication classique de Milton Friedman, économiste libéral de l’Université de Chicago, et un des parrains de l’économie monétaire, est que l’inflation est causée par un trop-plein d’argent, faisant face à une quantité insuffisante de biens (c’est peut-être plus clair en version originale : “too much money chasing too few goods.”) La raison pour laquelle il pourrait y avoir trop d’argent dans le système est que les billets que nous avons dans notre portefeuille ne sont adossés à rien, contrairement aux billets de nos glorieux ainés, qui pouvaient être échangés contre de l’or (puis des dollars avec Bretton Woods). Depuis 1971, la seule chose qui fait que ces bouts de papier ont de la valeur, c’est la certitude que quelqu’un les acceptera demain.Par ailleurs, l’offre et la demande n’ont donc pas d’influence à long terme, car il y aura toujours un retour au prix d’équilibre. La quantité d’argent dans le système est donc l’unique déterminant de l’inflation pour les économistes, et cette masse monétaire est contrôlée par la banque centrale. D’où l’insistance pour l’indépendance de celle-ci, car généralement les politiques font un mauvais usage de cette manette (c’est donc bien Mugabe qui est derrière l’inflation au Zimbabwe). Cependant les économistes ne sont pas aveugles et voient bien qu’au jour le jour, le prix du pétrole a un impact direct sur le portefeuille via le prix de l’essence, mais ils ne considèrent ceci que comme un choc temporaire, n’affectant pas l’inflation «de fond», c’est-à-dire sa tendance à long terme. En particulier la Réserve Fédérale américaine base sa politique sur la «core inflation», en excluant le prix de l’énergie et de la nourriture, dont les déterminants principaux sont l’offre et la demande de court terme.
Tous unis contre la vie chère
Ainsi les pouvoirs publics prennent la responsabilité de contenir l’inflation. En général, celle-ci est dévolue à la banque centrale, comme on le disait plus haut, qui de nos jours agit sur la masse monétaire via le contrôle des taux d’intérêt à court terme. Cependant, les économistes ne voient donc pas les chocs inflationnistes dus au pétrole par exemple comme des déterminants réels de l’inflation, et se refusent à agir sur cette base. Or, comme l’a dit si habilement Keynes, qui est l’autre parrain de l’économie monétaire, «in the long run we’re all dead». Le gouvernement prend donc souvent à sa charge toutes sortes de palliatifs et de politiques de sensibilisation. Pour exemple, la Malaisie avait lancé dans les années 90 une large campagne de publicité appelée Inflasi 0% (0% d’inflation) pour responsabiliser les gens vis-à-vis de leur consommation. Si je ne me trompe pas, ça n’a pas très bien marché, ce qui a conduit l’État à intervenir plus directement en exerçant des contrôles sur les prix, dont ceux de l’essence. Plus près de nous dans l’espace, les États occidentaux ont beaucoup fait joujou avec l’Inflation avant la crise pétrolière. L’intervention de l’État et le rôle de la banque centrale sont donc le sujet de deux prochains articles sur l’inflation.A l’Intérieur du Produit
Repost du 13/05/2011 10h48
Le débat se fait de plus en plus important autour de la notion de croissance et de son indicateur principal, le Produit Intérieur Brut. Se fixe-t-on les bons objectifs en se focalisant sur X % de croissance annuelle du PIB ? Que fait-on du bien-être ?
Le débat se fait de plus en plus important autour de la notion de croissance et de son indicateur principal, le Produit Intérieur Brut. Se fixe-t-on les bons objectifs en se focalisant sur X % de croissance annuelle du PIB ? Que fait-on du bien-être ?
Les Etats occidentaux s’interrogent de plus en plus sur ce sujet,
et après la France et le rapport Stiglitz, le Royaume-Uni a lancé en
2010 le National Well Being Project (Projet national sur le bien-être).
Petit état des lieux…
Mais au-delà de son côté pratique, pourquoi une telle omniprésence de cet indicateur? De quoi nous informe-t-il? En effet, le fait en lui-même d’être riche n’est pas un besoin primaire de l’être humain. Le PIB est donc utilisé plutôt comme un indicateur du bien-être dans la conduite des politiques publiques.
Cependant, le bât blesse déjà, car il n’y a bien sûr pas équivalence. Certaines activités comme le travail bénévole (distribuer la soupe populaire, bloguer sur Zoomout), qu’il est raisonnable de supposer bénéfique à la société ne sont pas incluses dans le PIB, car elles n’ont pas de valeur monétaire par définition. La pollution en revanche, ainsi que toutes les externalités négatives, peuvent être incluses dans la valeur ajoutée, comme par exemple dans le cas de la déforestation de la jungle amazonienne pour revendre le bois ou y construire des autoroutes (avant de planter de quoi nourrir du bétail).
Pourtant si cet indicateur est grossier, tout n’est cependant pas juste bon à jeter, car la croissance est tout de même fortement corrélée à l’amélioration des conditions de vie : la Chine croît depuis Deng Xiao Ping à un rythme effréné de 10% environ par an, et ceci a permis de sortir de la pauvreté des centaines de millions de Chinois. En France, durant les Trente glorieuses, la prospérité s’est traduite par des gains en termes d’espérance de vie, d’éducation ou de protection sociale. De plus, l’argent est fongible, c’est-à-dire qu’il permet d’acheter indifféremment tout type de bien ou service. Ainsi, pour les gouvernements des démocraties occidentales, viser à un accroissement permanent du PIB est le meilleur moyen de permettre à leurs citoyens de répondre librement à leurs aspirations (concernant certes tout ce qui a une valeur monétaire).
Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi aborde le problème sous trois aspects : monétaire, non-monétaire (la qualité de vie) et enfin la pérennité (économique et écologique). Sans rentrer trop dans les détails du rapport (qui fait un peu moins de 300 pages), la commission recommande en particulier de remettre l’accent sur les ménages (le PIB ne tient compte, comme on l’a dit, que de la production) et donc sur les variables les plus importantes pour eux, en l’occurrence les revenus et la consommation. Ensuite, la commission considère comme un problème fondamental le fait que le PIB soit un indicateur moyen, qui ne reflète pas les écarts de richesse dans la population. C’est ce qui se passe en Chine une fois encore, car quand bien même un nombre gargantuesque de personnes sont sortis de la pauvreté, un petit nombre a dans le même temps fait exploser son portefeuille, bien loin de l’idéal communiste supposé de la République Populaire. Une mauvaise redistribution des richesses est clairement problème important de politiques publiques.
Quant à la notion de développement durable, elle n’est pas révolutionnaire, même du point de vue de l’économiste. Il s’agit d’un problème classique d’optimisation intertemporelle, où il faut s’assurer de faire les bons choix maintenant pour optimiser ses possibilités dans le futur. La vraie recommandation est l’utilisation d’indicateurs pour mesurer tout ça, mais il y a un fort potentiel de recyclage de concepts marketings (halieutique par ci, halieutique par là).
La vraie nouveauté se situe dans la nécessité de créer des mesures subjectives fiables du bien-être. Car pour jauger ce dernier, on peut bien sûr essayer de mesurer ce qui en participe (éducation, santé…), ou on peut tout simplement demander aux gens ce qu’ils en pensent. Le rapport retient en particulier une classification à trois dimensions:
Pour interpréter ce résultat, deux écoles s’affrontent. D’une part il y a Daniel Cohen par exemple, qui dans son livre La Prospérité du Vice affirme que «la consommation est comme une drogue», et que «[l]e plaisir qu’elle procure est éphémère, mais [que] le désespoir est immense quand on en est privé.» Mais de l’autre côté, on trouve par exemple Angus Deaton, économiste respecté de Princeton, qui remarque que le bonheur est logarithmique (si, si!), car le bien-être ressenti provient surtout de l’accroissement relatif plutôt que du niveau de la richesse. En d’autres termes, donner €100 à Liliane Bettencourt n’a pas le même effet sur elle que sur un smicard. Mais il semble logique de penser que donner 10% de leur richesse respective à chacun va avoir grosso modo le même impact sur leur bonheur individuel.
Cependant, il me semble plutôt que, vraiment, le PIB ce n’est pas ce qui me fait battre la chamade au jour le jour. C’est sûr, de vivre dans une société occidentale prospère me procure de la satisfaction. Mais la psychologie humaine vient se mêler à ma satisfaction de fond, et des écueils se profilent. Premièrement, l’être humain aime moins augmenter son confort qu’il ne déteste en perdre. Kahneman et Tversky (et les spécialistes de l’économie comportementale, discipline au nom un peu pompeux qui considère simplement que les agents économiques ne sont pas juste comme des automates rationnels) observent en 1979 que la peur de perdre est un facteur de motivation beaucoup plus intense que l’envie de gagner. Ensuite depuis longtemps, on sait qu’une grande partie du bien-être provient de la comparaison de sa situation à celle des autres. D’où par exemple la peur du déclassement alors même qu’on n’a jamais été aussi riches en France… Dans le premier cas il y a le rapport puissant à la possession que nous avons, et deuxièmement le désir profond de stabilité et d’absence d’imprévu par une progression unidirectionnelle que nous entretenons. En résumé, comme une évidence, mon bonheur ne tient pas compte que de mon compte en banque.
Ainsi, la conclusion de toute cette agitation intellectuelle m’a tout l’air d’être la suivante: si l’argent ne fait pas le bonheur, il y contribue quand même fortement. Les économistes sont bien évidemment concentrés sur le bien-être monétaire, mais après tout c’est leur métier. Ce qui m’embête plus, c’est que des politiciens, qui devraient être à l’écoute de leurs concitoyens par les sondages, les permanences électorales etc., aient besoin de se rappeler que la santé, la sécurité et l’emploi sont aussi des facteurs essentiels du bien-être de l’individu… Mais il est vrai qu’une petite piqûre de rappel ne peut pas faire de mal.
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L’Insee travaille d’ores et déjà pour mettre en pratique toutes les recommandations. Toutes les informations sont dans un dossier disponible ici.
Que ma joie demeure
L’Insee définit le PIB de plusieurs façons, mais la plus pertinente à cet article est celle qui le comptabilise comme la somme des valeurs ajoutées, c’est-à-dire la somme des créations de richesse au cours de l’année. Cette valeur est créée par la production, via un prix de vente supérieur aux prix des facteurs de productions (matières premières, travail…) La valeur ajoutée n’est pas forcément une quantité facile à mesurer, en particulier pour les services ou pour le secteur financier, mais elle suit une nomenclature bien précise, fixée par les offices statistiques. De la comptabilité donc, normalisée au niveau international, ce qui facilite les comparaisons.Mais au-delà de son côté pratique, pourquoi une telle omniprésence de cet indicateur? De quoi nous informe-t-il? En effet, le fait en lui-même d’être riche n’est pas un besoin primaire de l’être humain. Le PIB est donc utilisé plutôt comme un indicateur du bien-être dans la conduite des politiques publiques.
Cependant, le bât blesse déjà, car il n’y a bien sûr pas équivalence. Certaines activités comme le travail bénévole (distribuer la soupe populaire, bloguer sur Zoomout), qu’il est raisonnable de supposer bénéfique à la société ne sont pas incluses dans le PIB, car elles n’ont pas de valeur monétaire par définition. La pollution en revanche, ainsi que toutes les externalités négatives, peuvent être incluses dans la valeur ajoutée, comme par exemple dans le cas de la déforestation de la jungle amazonienne pour revendre le bois ou y construire des autoroutes (avant de planter de quoi nourrir du bétail).
Pourtant si cet indicateur est grossier, tout n’est cependant pas juste bon à jeter, car la croissance est tout de même fortement corrélée à l’amélioration des conditions de vie : la Chine croît depuis Deng Xiao Ping à un rythme effréné de 10% environ par an, et ceci a permis de sortir de la pauvreté des centaines de millions de Chinois. En France, durant les Trente glorieuses, la prospérité s’est traduite par des gains en termes d’espérance de vie, d’éducation ou de protection sociale. De plus, l’argent est fongible, c’est-à-dire qu’il permet d’acheter indifféremment tout type de bien ou service. Ainsi, pour les gouvernements des démocraties occidentales, viser à un accroissement permanent du PIB est le meilleur moyen de permettre à leurs citoyens de répondre librement à leurs aspirations (concernant certes tout ce qui a une valeur monétaire).
Les conclusions des grands sages
De façon incongrue (mais pas illogique), la notion de considérer le bonheur plutôt que la production a été explorée en premier lieu par le Bhoutan et son Gross National Happiness. Cependant la tendance dominante consiste plutôt à apporter des compléments d’information au lieu de remplacer purement et simplement le PIB. L’approche récemment consiste donc à considérer des indicateurs alternatifs du bien-être. Les initiatives françaises (Stiglitz et consorts) et britanniques vont dans ce sens.Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi aborde le problème sous trois aspects : monétaire, non-monétaire (la qualité de vie) et enfin la pérennité (économique et écologique). Sans rentrer trop dans les détails du rapport (qui fait un peu moins de 300 pages), la commission recommande en particulier de remettre l’accent sur les ménages (le PIB ne tient compte, comme on l’a dit, que de la production) et donc sur les variables les plus importantes pour eux, en l’occurrence les revenus et la consommation. Ensuite, la commission considère comme un problème fondamental le fait que le PIB soit un indicateur moyen, qui ne reflète pas les écarts de richesse dans la population. C’est ce qui se passe en Chine une fois encore, car quand bien même un nombre gargantuesque de personnes sont sortis de la pauvreté, un petit nombre a dans le même temps fait exploser son portefeuille, bien loin de l’idéal communiste supposé de la République Populaire. Une mauvaise redistribution des richesses est clairement problème important de politiques publiques.
Quant à la notion de développement durable, elle n’est pas révolutionnaire, même du point de vue de l’économiste. Il s’agit d’un problème classique d’optimisation intertemporelle, où il faut s’assurer de faire les bons choix maintenant pour optimiser ses possibilités dans le futur. La vraie recommandation est l’utilisation d’indicateurs pour mesurer tout ça, mais il y a un fort potentiel de recyclage de concepts marketings (halieutique par ci, halieutique par là).
La vraie nouveauté se situe dans la nécessité de créer des mesures subjectives fiables du bien-être. Car pour jauger ce dernier, on peut bien sûr essayer de mesurer ce qui en participe (éducation, santé…), ou on peut tout simplement demander aux gens ce qu’ils en pensent. Le rapport retient en particulier une classification à trois dimensions:
- Evaluation de la façon dont on est satisfait de sa vie (de manière générale)
- Présence de sentiments positifs
- Absence de sentiments négatifs
Tout ça, c’est dans la tête
Concernant les évaluations subjectives, une étude de l’économiste américain Richard Easterlin trouve pourtant une importante limite à cette approximation PIB/bien-être. Trente ans durant, celui-ci a posé la même simple question à son échantillon: «Etes-vous heureux ?» De façon paradoxale, les proportions de réponses sont restées à peu près identiques dans le temps, indépendamment de l’accroissement de richesse important lors de cette période.Pour interpréter ce résultat, deux écoles s’affrontent. D’une part il y a Daniel Cohen par exemple, qui dans son livre La Prospérité du Vice affirme que «la consommation est comme une drogue», et que «[l]e plaisir qu’elle procure est éphémère, mais [que] le désespoir est immense quand on en est privé.» Mais de l’autre côté, on trouve par exemple Angus Deaton, économiste respecté de Princeton, qui remarque que le bonheur est logarithmique (si, si!), car le bien-être ressenti provient surtout de l’accroissement relatif plutôt que du niveau de la richesse. En d’autres termes, donner €100 à Liliane Bettencourt n’a pas le même effet sur elle que sur un smicard. Mais il semble logique de penser que donner 10% de leur richesse respective à chacun va avoir grosso modo le même impact sur leur bonheur individuel.
Cependant, il me semble plutôt que, vraiment, le PIB ce n’est pas ce qui me fait battre la chamade au jour le jour. C’est sûr, de vivre dans une société occidentale prospère me procure de la satisfaction. Mais la psychologie humaine vient se mêler à ma satisfaction de fond, et des écueils se profilent. Premièrement, l’être humain aime moins augmenter son confort qu’il ne déteste en perdre. Kahneman et Tversky (et les spécialistes de l’économie comportementale, discipline au nom un peu pompeux qui considère simplement que les agents économiques ne sont pas juste comme des automates rationnels) observent en 1979 que la peur de perdre est un facteur de motivation beaucoup plus intense que l’envie de gagner. Ensuite depuis longtemps, on sait qu’une grande partie du bien-être provient de la comparaison de sa situation à celle des autres. D’où par exemple la peur du déclassement alors même qu’on n’a jamais été aussi riches en France… Dans le premier cas il y a le rapport puissant à la possession que nous avons, et deuxièmement le désir profond de stabilité et d’absence d’imprévu par une progression unidirectionnelle que nous entretenons. En résumé, comme une évidence, mon bonheur ne tient pas compte que de mon compte en banque.
Beaucoup de bruit…
Daniel Cohen, encore lui, dans le même livre, nous dit: « Une croissance rapide soulage les tensions sociales, car chacun peut croire qu’il rattrape les autres. Mais l’immense faiblesse de cet idéal est qu’il est vulnérable à tout ralentissement économique, quel que soit le niveau de richesse déjà atteint.» On voit donc que se concentrer sur des indicateurs alternatifs et avoir une vue plus large que la simple augmentation de la production va permettre de mieux cerner les politiques publiques à mettre en action. Et demander de façon systématique au gens comment ils vont, même si comme on l’a vu, ils ont un peu tendance à être ronchons, c’est un progrès de la science.Ainsi, la conclusion de toute cette agitation intellectuelle m’a tout l’air d’être la suivante: si l’argent ne fait pas le bonheur, il y contribue quand même fortement. Les économistes sont bien évidemment concentrés sur le bien-être monétaire, mais après tout c’est leur métier. Ce qui m’embête plus, c’est que des politiciens, qui devraient être à l’écoute de leurs concitoyens par les sondages, les permanences électorales etc., aient besoin de se rappeler que la santé, la sécurité et l’emploi sont aussi des facteurs essentiels du bien-être de l’individu… Mais il est vrai qu’une petite piqûre de rappel ne peut pas faire de mal.
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L’Insee travaille d’ores et déjà pour mettre en pratique toutes les recommandations. Toutes les informations sont dans un dossier disponible ici.
C’est la dèche…
Repost du 13/04/2011 10h54
Actuellement les déchéances de nationalité en rapport avec des activités illégales ne le sont que sur la base de la sécurité nationale. Cette chasse aux « indésirables » doit beaucoup à des calculs de courte vue, dans un contexte de surenchère politique et médiatique particulièrement difficile.
Actuellement les déchéances de nationalité en rapport avec des activités illégales ne le sont que sur la base de la sécurité nationale. Cette chasse aux « indésirables » doit beaucoup à des calculs de courte vue, dans un contexte de surenchère politique et médiatique particulièrement difficile.
Faudrait voir à pas tout confondre!
La chasse aux sorcières a commencé par Lies Hebbadj : un épicier nantais, compagnon de la conductrice verbalisée pour le port du voile intégral et une contestation de PV pour port de foulard intégral. Mais l’actualité politique s’en mêle et de contrevenant, il passe polygame (et mari violent de surcroît). Puis, parce qu’il est naturalisé, Brice Hortefeux réclame qu’il perde sa nationalité, peine pertinente avec l’acte s’il en est. Je laisserai à la justice la prérogative de décider de son sort, car bien évidemment, je ne sais pas ce qu’il a fait ou non. Mais au-delà du portrait peu reluisant qu’en ont dressé les medias et des poursuites contre lui, c’est la méthode qui me dérange.Car bien sûr, l’histoire ne s’arrête pas là, et pour ne pas sombrer totalement dans le ridicule, le Président et le gouvernement d’en remettre une couche en créant un fourre tout d’actes plus ignobles les uns que les autres qui méritent une peine en plus de la peine : c’est le dorénavant fameux discours de Grenoble du 30 juillet 2010, assimilant immigration et délinquance, et remettant en cause les conditions d’appartenance à la nation en guise de réponse aux émeutes dans cette ville. Comme si bien sûr les fauteurs de troubles venaient tous d’au-delà de nos frontières…
Un ministre de l’Intérieur qui bafoue la présomption d’innocence est une chose (inquiétante), mais créer « une catégorie nouvelle de sous-français conditionnels» comme le dit si justement Jean-Luc Mélenchon en est une autre certainement plus sinistre. En effet pourquoi condamner un Français différemment d’un autre Français, parce qu’il a acquis la nationalité ? Ne sont-ils pas citoyens de droit ? Et pourquoi seraient-ils sanctionnés différemment ?
Etre polygame et tuer un flic, ce sont deux actes différents, mais aussi au final très similaires du point de vue de la question qui nous intéresse : ce ne sont pas des actes qui visent à la destruction de la société française. Intéressons-nous plus particulièrement au meurtre de personne dépositaire de l’autorité publique (un policier municipal/national, un gendarme…) comme les désigne l’appellation officielle. Indéniablement, étant principalement caractérisé par sa fonction, on pourrait penser qu’un policier est tué pour ce qu’il représente. Et ce qu’il représente c’est bien évidemment l’Etat. Mais un braqueur de banque qui tue une policière municipale, comme tout récemment, vise-t-il à la destruction de la société ? Bien sûr que non, il vise à profiter du fruit de ses rapines.
Appliqué à un domaine dont je traite plus régulièrement sur Zoomout, c’est comme de passer un banquier à tabac parce qu’il vous refuse un prêt, ou le passer à tabac parce qu’il représente le grand capital qui a causé la crise. Dans le premier cas, c’est s’attaquer à la fonction, dans le deuxième, à ce que sa fonction représente.
En gros il faut s’en prendre à la nation toute entière et vouloir sa destruction, en d’autres termes être un traître à la patrie. Ce qui peut arriver qu’on soit naturalisé ou pas. Il faut cependant noter que ceci n’est vrai que depuis la loi Guigou de 1998, pour mettre le droit français en conformité avec les conventions internationales. Auparavant, les Français naturalisés condamnés à une peine d’au moins cinq ans pouvaient être déchus de leur nationalité et reconduits à la frontière. Mais ce n’est donc plus le cas, et ça doit rester comme ça!
Tout ça est donc une histoire de logique. Si quelqu’un tue des policiers, des magistrats, etc. en tant qu’acte de révolte contre la Nation, il est légitime que la déchéance de nationalité fasse partie de l’arsenal juridique. Et ceci s’applique bien évidemment à tout citoyen quel que soit le mode d’acquisition de la nationalité ! Et pour être clair, si c’est un crime crapuleux, il faut condamner l’auteur (sévèrement dirais-je…), mais encore une fois sans distinction.
La folie (immobilière), ça se danse
Repost du 30/11/2010 10h04
Les causes des problèmes financiers irlandais sont profondément ancrées dans la conscience populaire occidentale et ne concernent pas que le Connemara.
Les causes des problèmes financiers irlandais sont profondément ancrées dans la conscience populaire occidentale et ne concernent pas que le Connemara.
En effet, l’investissement immobilier est probablement l’un des
placements les plus courants, et ce parce que, traditionnellement, les
gens aspirent très tôt à l’accession a la propriété. D’autant plus que
celle-ci est perçue comme bénéfique pour la société et encouragée par
l’Etat, via par exemple les prêts à taux zéro en France ou la création
de Fannie Mae et Freddie Mac aux US. C’est donc un fondement de la
société capitaliste, où l’on achète son lopin de terre, son espace privé
et, crucialement, c’est ce que tout le monde fait (mis à part peut-être
Arlette Laguiller). Mais en achetant sa maison ou son deux pièces
kitchenette, la plupart des gens pensent à la valeur de revente. Ils
pensent donc souvent à la valeur de leur investissement.
Et comme cet investissement touche non pas des professionnels chevronnés ou des capitalistes aux poches sans fonds, on le retrouve souvent en marge voire au centre des grandes crises économiques, celles ou l’irrationnel a une part non négligeable. On le retrouve même dans les Sopranos, avec une réplique qui donne la base de la réflexion: lorsque Tony décide d’investir dans un HUD, un genre d’HLM dans le New Jersey, son piston lui dit: « Buy land, I guess. God ain’t making any more of it », en Français, « Achetez de la terre, Dieu n’en créera plus ». Il est aussi intéressant de voir comment l’histoire se répète entre les années 30 et maintenant: la Floride dans les années précédant la crise de 29 faisaient déjà l’objet de paris absurdes, où des maisons étaient construites au milieu de marais insalubres… Pour finir en ruine, comme aujourd’hui.
Les banques irlandaises se sont bien évidemment gorgées dans cette orgie d’investissement. Jusqu’à dépasser le PIB irlandais en terme d’actifs (on parle d’un ratio de un pour huit), lesdits actifs étant acquis de plus en plus loin de leurs bases, à Boston par exemple comme en témoigne cette affaire où un partenaire de Bono (un Irlandais celui-là, non?) poursuit la National Asset Management Agency (NAMA) irlandaise. Parce que lorsque la bise est venue, et qu’Anglo Irish, Allied Irish et consorts furent dépourvus, ce fut à l’Etat de prendre en charge leur dette, selon une conception moitié due à Keynes, moitié due à Friedman. Pour éviter une crise bancaire, il a fallu injecter des liquidités (d’un hélicoptère comme dirait l’autre) et c’est l’Etat qui s’y est collé, et il a pris cher, au propre comme au figuré: les irlandais, sur le modèle des suédois dans les années 90, ont mis en place ce que les anglophones appellent simplement une bad bank (la NAMA donc ici) où les prêts à risque sont stockés, laissant un système bancaire assaini en terme de possibilités de faillite.
Avant d’entrer dans les détails, il faut bien comprendre d’où provient le risque: la valeur d’un prêt dépend en général des taux d’intérêts associés au prêt, de la courbe des taux et bien évidemment de la somme totale prêtée (le notionnel). Mais bien évidemment, lorsqu’on emprunte à une banque elle prend en compte la situation financière de l’emprunteur, c.à.d. ses sources de revenus, son historique de paiements etc. Mais imaginons qu’une fois que la banque a prêté cet argent, on se retrouve soudain au chômage. Le prêt perd instantanément de sa valeur du fait que le risque pour la banque de ne pas revoir son argent est démultiplié. C’est exactement ce qu’il se passe dans la crise actuelle, transposé au cas des prêts immobiliers, car lorsque les prix s’effondrent, les banques se retrouvent avec des pertes colossales, situation parfois empirée lorsque l’emprunteur fait faillite et la banque se retrouve avec un immeuble vide au milieu de nulle part. Et ainsi, pour revenir à nos moutons, pour débarrasser les banques irlandaises de ces occases du siècle devenues gouffres sans fond, la NAMA achète ces prêts avec une ristourne de deux tiers, se finançant en émettant de la dette garantie par l’Etat irlandais, qui s’engage donc à rembourser les acheteurs à hauteur de leur investissement en cas de faillite de la NAMA. Il faut aussi noter que ce risque est élevé vu que la bad bank concentre ces actifs toxiques (mais qu’il n’y a rien d’inéluctable : les Suédois s’en sont sortis avec un bénéfice par exemple).
C’est là que la crise immobilière issue de décisions privées se transforme en crise de dette souveraine : en renflouant les banques directement d’un côté, et en se portant garant des créances pourries de l’autre, l’Irlande, qui comme on l’a dit est économiquement plus petite que ses banques, concentre tous les risques au même endroit… La crise irlandaise en d’autres termes!
De là, deux issues sont à envisager, l’une coûteuse pour toute l’Europe, la seconde dramatique et vendeuse de feuille de chou mais me semblant inenvisageable.
Dans le premier scenario, face à ce jeu de domino, le Fonds de secours de l’Union Européenne jette l’argent du contribuable (principalement français et allemand) au secours des défaillants pour leur permettre de se financer au jour le jour et d’assurer le remboursement de leurs dettes. Le sauvetage est bien sur assujetti à des conditions draconiennes comme les Allemands les aiment, avec coupes sombres dans les dépenses publiques pour revenir aux conditions initiales du pacte de stabilité.
Le deuxième scenario voit tout bonnement le démantèlement de la zone euro, à divers degrés, mais les eurosceptiques d’outre-Manche s’accordent généralement sur un bloc continental resserré autour d’un axe franco-allemand. Ceci se produirait car traditionnellement, face à une dette extérieure massive, les pays en difficulté tels l’Italie d’avant l’Euro, dévaluaient leur monnaie, ce qui faisait que la dette valait moins en terme de devise étrangère, augmentait la compétitivité du travail et baissait le prix des exportations. Mais ici, j’ai du mal à voir quel effet cela aurait dans la mesure où la dette est émise en Euros… Un ami économiste me suggère que cela ferait partie d’un accord plus général de restructuration de la dette, mais je vois mal les investisseurs tomber dans le panneau à ce point là. Indépendamment, à mon sens, considérer la sortie de l’Euro d’un des Etats membres est presque aussi saugrenu que d’imaginer la Californie sortant du dollar… Car en l’état actuel des choses, le passage ne consisterait pas simplement à revenir au Franc par exemple, mais à recréer le Franc, avec tous les coûts et difficultés associés.
Non, non, clairement, la première solution est la plus crédible, même si la seconde fait figure de joli conte de sorcière, tout bonnement parce que la Banque Centrale Européenne va utiliser la planche à billets (ou plus précisément, continuer à l’utiliser). Il faudra peut-être utiliser un tueur à gage pour éliminer Trichet et le remplacer par Axel Weber, mais les pouvoir conférés par les politiques a la BCE, ces mêmes politiques peuvent les reprendre. En effet, ce que les Allemands cherchent à éviter par-dessus tout, c’est qu’un Etat membre ne fasse défaut sur sa dette comme l’a fait la Russie en 1998 par exemple. Parce que ça fait tache. Par ce qu’ils font de gros efforts pour être au dessus de tout soupçon. Et parce que l’Euro a vocation à être une monnaie refuge… C’est viscéral, mais je ne pense pas qu’on puisse le leur reprocher, car quand on se considère comme un bloc qui a vocation à prendre en main les destinées du monde (au minimum derrière les Chinois et les Américains), on ne peut pas se louper sur un truc aussi basique et aussi souverain que sa monnaie…
Et comme cet investissement touche non pas des professionnels chevronnés ou des capitalistes aux poches sans fonds, on le retrouve souvent en marge voire au centre des grandes crises économiques, celles ou l’irrationnel a une part non négligeable. On le retrouve même dans les Sopranos, avec une réplique qui donne la base de la réflexion: lorsque Tony décide d’investir dans un HUD, un genre d’HLM dans le New Jersey, son piston lui dit: « Buy land, I guess. God ain’t making any more of it », en Français, « Achetez de la terre, Dieu n’en créera plus ». Il est aussi intéressant de voir comment l’histoire se répète entre les années 30 et maintenant: la Floride dans les années précédant la crise de 29 faisaient déjà l’objet de paris absurdes, où des maisons étaient construites au milieu de marais insalubres… Pour finir en ruine, comme aujourd’hui.
L’Irlande d’aujourd’hui
Et ça, c’est exactement ce qui s’est passé avec l’Irlande et avec l’Espagne. A partir d’une croissance forte, poussée par des gains de productivité et par une flexibilité accrue pour les investissements (et cela dit au passage une vulnérabilité accrue en cas de crise), le « Tigre Celtique » a vu un début de flambée des prix de l’immobilier, par un simple équilibrage de l’offre et de la demande. Mais c’est là que ça dérape: attirés par le bon filon, un peu comme avec la Mer du Sud ou la Tulipe, le quidam moyen ainsi que les flux de capitaux de court terme, versent leur argent dans des biens immobiliers de plus en plus éloignés de leur valeur fondamentale, créant une bulle spéculative (dès 2001-2002 selon The Economist) qui a éclaté une fois le Credit Crunch survenu.Les banques irlandaises se sont bien évidemment gorgées dans cette orgie d’investissement. Jusqu’à dépasser le PIB irlandais en terme d’actifs (on parle d’un ratio de un pour huit), lesdits actifs étant acquis de plus en plus loin de leurs bases, à Boston par exemple comme en témoigne cette affaire où un partenaire de Bono (un Irlandais celui-là, non?) poursuit la National Asset Management Agency (NAMA) irlandaise. Parce que lorsque la bise est venue, et qu’Anglo Irish, Allied Irish et consorts furent dépourvus, ce fut à l’Etat de prendre en charge leur dette, selon une conception moitié due à Keynes, moitié due à Friedman. Pour éviter une crise bancaire, il a fallu injecter des liquidités (d’un hélicoptère comme dirait l’autre) et c’est l’Etat qui s’y est collé, et il a pris cher, au propre comme au figuré: les irlandais, sur le modèle des suédois dans les années 90, ont mis en place ce que les anglophones appellent simplement une bad bank (la NAMA donc ici) où les prêts à risque sont stockés, laissant un système bancaire assaini en terme de possibilités de faillite.
Avant d’entrer dans les détails, il faut bien comprendre d’où provient le risque: la valeur d’un prêt dépend en général des taux d’intérêts associés au prêt, de la courbe des taux et bien évidemment de la somme totale prêtée (le notionnel). Mais bien évidemment, lorsqu’on emprunte à une banque elle prend en compte la situation financière de l’emprunteur, c.à.d. ses sources de revenus, son historique de paiements etc. Mais imaginons qu’une fois que la banque a prêté cet argent, on se retrouve soudain au chômage. Le prêt perd instantanément de sa valeur du fait que le risque pour la banque de ne pas revoir son argent est démultiplié. C’est exactement ce qu’il se passe dans la crise actuelle, transposé au cas des prêts immobiliers, car lorsque les prix s’effondrent, les banques se retrouvent avec des pertes colossales, situation parfois empirée lorsque l’emprunteur fait faillite et la banque se retrouve avec un immeuble vide au milieu de nulle part. Et ainsi, pour revenir à nos moutons, pour débarrasser les banques irlandaises de ces occases du siècle devenues gouffres sans fond, la NAMA achète ces prêts avec une ristourne de deux tiers, se finançant en émettant de la dette garantie par l’Etat irlandais, qui s’engage donc à rembourser les acheteurs à hauteur de leur investissement en cas de faillite de la NAMA. Il faut aussi noter que ce risque est élevé vu que la bad bank concentre ces actifs toxiques (mais qu’il n’y a rien d’inéluctable : les Suédois s’en sont sortis avec un bénéfice par exemple).
C’est là que la crise immobilière issue de décisions privées se transforme en crise de dette souveraine : en renflouant les banques directement d’un côté, et en se portant garant des créances pourries de l’autre, l’Irlande, qui comme on l’a dit est économiquement plus petite que ses banques, concentre tous les risques au même endroit… La crise irlandaise en d’autres termes!
Le risque de contagion
Le plus intéressant là-dedans est probablement la signification pratique de ceci pour nous autres les Gaulois. Le scenario tel que décrit par la presse récemment voit les problèmes de l’Irlande s’étendre à l’Espagne et au Portugal, tout en donnant le coup de grâce à la Grèce. La contagion en finance internationale reste un phénomène assez difficile à expliquer par des arguments rationnels, mais l’idée est la suivante et tient assez simplement dans le dicton: « Chat échaudé craint l’eau froide ». Ainsi va de même pour les investisseurs, qui perdant leur mise sur l’Irlande, coupent leur pertes sur les autres pays mal en point, de fait fermant l’accès aux capitaux internationaux à des pays.De là, deux issues sont à envisager, l’une coûteuse pour toute l’Europe, la seconde dramatique et vendeuse de feuille de chou mais me semblant inenvisageable.
Dans le premier scenario, face à ce jeu de domino, le Fonds de secours de l’Union Européenne jette l’argent du contribuable (principalement français et allemand) au secours des défaillants pour leur permettre de se financer au jour le jour et d’assurer le remboursement de leurs dettes. Le sauvetage est bien sur assujetti à des conditions draconiennes comme les Allemands les aiment, avec coupes sombres dans les dépenses publiques pour revenir aux conditions initiales du pacte de stabilité.
Le deuxième scenario voit tout bonnement le démantèlement de la zone euro, à divers degrés, mais les eurosceptiques d’outre-Manche s’accordent généralement sur un bloc continental resserré autour d’un axe franco-allemand. Ceci se produirait car traditionnellement, face à une dette extérieure massive, les pays en difficulté tels l’Italie d’avant l’Euro, dévaluaient leur monnaie, ce qui faisait que la dette valait moins en terme de devise étrangère, augmentait la compétitivité du travail et baissait le prix des exportations. Mais ici, j’ai du mal à voir quel effet cela aurait dans la mesure où la dette est émise en Euros… Un ami économiste me suggère que cela ferait partie d’un accord plus général de restructuration de la dette, mais je vois mal les investisseurs tomber dans le panneau à ce point là. Indépendamment, à mon sens, considérer la sortie de l’Euro d’un des Etats membres est presque aussi saugrenu que d’imaginer la Californie sortant du dollar… Car en l’état actuel des choses, le passage ne consisterait pas simplement à revenir au Franc par exemple, mais à recréer le Franc, avec tous les coûts et difficultés associés.
Au pire la BCE imprime…
Non, non, clairement, la première solution est la plus crédible, même si la seconde fait figure de joli conte de sorcière, tout bonnement parce que la Banque Centrale Européenne va utiliser la planche à billets (ou plus précisément, continuer à l’utiliser). Il faudra peut-être utiliser un tueur à gage pour éliminer Trichet et le remplacer par Axel Weber, mais les pouvoir conférés par les politiques a la BCE, ces mêmes politiques peuvent les reprendre. En effet, ce que les Allemands cherchent à éviter par-dessus tout, c’est qu’un Etat membre ne fasse défaut sur sa dette comme l’a fait la Russie en 1998 par exemple. Parce que ça fait tache. Par ce qu’ils font de gros efforts pour être au dessus de tout soupçon. Et parce que l’Euro a vocation à être une monnaie refuge… C’est viscéral, mais je ne pense pas qu’on puisse le leur reprocher, car quand on se considère comme un bloc qui a vocation à prendre en main les destinées du monde (au minimum derrière les Chinois et les Américains), on ne peut pas se louper sur un truc aussi basique et aussi souverain que sa monnaie…
lundi 5 novembre 2012
Angie, Angie, where will you lead us from here
Repost du 29/06/2010 14h25
Fin mai, l’Allemagne a décidé d’interdire la vente à découvert (ou short selling) sur les actions de dix entreprises allemandes et sur la dette souveraine ainsi que les CDS de certains pays européens
Fin mai, l’Allemagne a décidé d’interdire la vente à découvert (ou short selling) sur les actions de dix entreprises allemandes et sur la dette souveraine ainsi que les CDS de certains pays européens
Pourtant personne n’a émulé cette mesure, en particulier en Europe. Certains ministres, dont Christine Lagarde, ont publiquement critiqué cette décision, en parlant notamment de « liquidité ». Mais alors, qu’est ce qui a bien pu lui prendre à notre Angela préférée?
The long and the short of it
Tout d’abord, revenons sur le short selling. Ici il concerne deux types de transactions différentes : d’une part sur les actions et la dette concernées, le procédé consiste à emprunter les titres – à quelqu’un qui en a beaucoup sous le coude et qui ne sait pas trop quoi en faire, type fonds de pension ou assureur- pour les vendre en espérant que le prix ait chuté au moment de rendre ce qui a été emprunte. Ce procédé est extrêmement courant, et la plupart du temps, repose sur des conjectures (ou pari, selon comment on envisage la chose) sur l’évolution des cours.L’interdiction ou suspension de la vente à découvert est souvent utilisée quand les marchés chutent lourdement, comme cela a pu se passer avec les bourses européennes et américaines fin 2008 pour limiter les réactions irrationnelles. Mais dans un marché normal, le short selling est un des outils essentiels pour contrôler les bulles spéculatives. En effet, si les cours s’envolent sans fondement, certains plus astucieux que d’autres vont utiliser cette technique dans l’espoir de voir les cours chuter (enfin en théorie parce que les astucieux n’attaquent pas les bulles tout de suite, ils la suivent un certain temps avant de se retourner contre elles). Mais la logique reste la même : si l’offre et la demande fixent les prix, il faut des vendeurs pour que les prix baissent. Pour Angie, sur ce point, on peut discuter longuement de savoir si les marchés sont dans un état normal. Quant à l’argument de Christine Lagarde concernant la liquidité des marches, les dettes souveraines ne seront certainement pas trop affectées par cette mesure pas plus que les marchés actions car la mesure ne concerne qu’une poignée de compagnies.
Tout nu dans l’escalier
Le point le plus médiatique concerne le deuxième type de transaction, j’ai nomme les Credit Default Swap (CDS), qui au Journal Officiel se traduisent en Français par « couverture de défaillance ». Ce contrat est très proche de l’assurance car il lie deux parties dont l’une paie une prime (le CDS spread) à l’autre qui en échange s’engage à payer une somme d’argent si un événement de crédit se produit. Exemple réaliste au vu de l’actualité récente : je suis un hedge fund, j’ai achète un CDS (autrement dit, j’ai acheté de la protection) il y a 5 ans pour 10 ans sur les bonds grecs et la Grèce fait un défaut de remboursement malgré les efforts concertés des Etats de la zone euro. Mon « assureur » (une banque française au hasard) doit alors me payer la perte de valeur sur les bonds grecs stipulés dans le contrat. Ce qu’on appelle short selling dans ce cas est juste le fait de souscrire à un de ces contrats. On le voit ici, cette interdiction concerne en fait plusieurs pratiques différentes!Malgré tout, il y a deux différences majeures avec un contrat d’assurance : on ne peut souscrire une assurance sur une voiture que si l’on est le propriétaire de la-dite voiture! Ici, il est possible de parier sur la faillite de la Grèce sans y être par ailleurs exposé (ce que les anglo-saxons appellent un naked CDS). Par ailleurs, l’assureur et l’assuré doivent tous les deux avoir intérêt à ce que l’événement n’arrive pas. Généralement, on préfère que sa maison ne brûle pas même si l’assurance est généreuse. L’exemple classique rabâché souvent ici, est que dans le cas d’un CDS, on fait un peu comme si prenait une assurance sur la voiture du voisin, avant d’en péter les rétros…
Elle va marcher beaucoup moins bien!
Le problème consiste justement à savoir si on peut aller, figurativement, vandaliser les biens des copains dans le cas d’un CDS. Historiquement, un investisseur seul peut décider d’attaquer un pays, et contrairement à Don Quichotte, gagner. Ce fut le cas de George Soros qui fit sauter la Banque d’Angleterre en faisant sortir la livre de l’EMU. Cependant, on pourrait voir les choses différemment pour notre CDS: Si on décide de payer deux fois plus pour assurer la voiture du voisin, ca ne va pas la faire brûler plus vite! A dire vrai, les liens entre CDS spread (la prime d’assurance mentionnée plus haut) et les taux auxquels les Etat peuvent emprunter sont un peu plus compliqués que ca. Mais il semblerait que ca soit plus les seconds qui font bouger les premiers que l’inverse. De plus il ne faut pas oublier que les marchés ont leur logique interne (l’absence d’arbitrage) qui fait que deux segments des marchés très liés comme les CDS et les bonds du Trésor ne peuvent rester longtemps incohérents.En fait, peut être que le problème dans cette affaire n’est pas le bien-fondé de la décision allemande. Imposer une contrainte sur le marché fonctionne un peu comme appuyer sur un ballon de baudruche : les acteurs sont incités à aller s’agiter ailleurs et à faire gonfler un autre segment. C’est en partie ce qui s’est passé avec le marché immobilier américain, lorsque l’Etat, pour toutes sortes de raisons aussi valables les unes que les autres a agi pour favoriser l’accession à la propriété des foyers les plus modestes, ce qui a eu pour conséquence de créer une bulle spéculative. On voit donc qu’une décision aussi radicale que celle prise par le gouvernement Merkel peut avoir des conséquences inattendues (bénéfiques comme négatives, je tiens à préciser). Seul l’avenir nous dira si elle a eu raison.
En fait, fondamentalement, le problème est l’annonce de la mesure, sans concertation avec ses petits camarades européens et surtout sans mesurer le soubresaut chez les financiers. Parce que pour rester cohérent, après avoir refinancé une partie des Landesbanken, créer une potentielle crise de liquidité, c’était pas très malin…
Il court, il court…
Repost du 08/06/2010 10h26
L’actualité financière est particulièrement chargée ces derniers temps. La Grèce, Goldman Sachs, la dette de l’Etat, le tout sur fond de crise financière mondiale: ça concerne tout un chacun, en France comme ailleurs. Mais avons-nous vraiment les outils pour comprendre et décider?
L’actualité financière est particulièrement chargée ces derniers temps. La Grèce, Goldman Sachs, la dette de l’Etat, le tout sur fond de crise financière mondiale: ça concerne tout un chacun, en France comme ailleurs. Mais avons-nous vraiment les outils pour comprendre et décider?
« La plus grave crise économique des 80 dernières années ».
Forcément des prémices comme ça, ça passionne le monde. Et force
ce même monde à se plonger dans des sujets techniques tous plus obtus
les uns que les autres, accompagnés d’acronymes appétissants basés sur
l’anglais tels que CDO (à ne pas confondre avec CDS), SEC, etc…
Premier point, le français de la finance n’est clairement pas pratiqué dans les salles de marché : une phrase concise telle que « long put » se traduit par « acheter une option de vendre ». Dix fois trop long… Mais cet écart entre la lettre et la pratique donne des erreurs à la traduction parfois à la limite du grotesque, comme cet article du journal Le Monde qui traduit « short » par « court ». Soit, la vraie traduction est « vente à découvert », c’est bel et bien un terme peu courant, mais à moins de trouver une autre formule, ça prête forcément à confusion!
De plus, l’économie n’est visiblement pas une affaire de spécialistes techniques, mais plutôt la chasse gardée des intellectuels publics, du gourou limite star system comme l’incarne Jacques Attali jusqu’à l’entourloupeur auto-proclamé statisticien économiste (tel cet anthropologue « spécialiste des dérivés du crédit » dont Le Monde en reprend à pleines bouchées). Car avant de contester l’orthodoxie du monde académique, encore faut-il être en mesure de l’expliquer.
Enfin, le point central à mon sens est la part de l’éducation économique en France. Beaucoup d’élèves français passant leur bac en 2010 n’ont pas vu une seule minute d’économie… Par conséquent, la responsabilité des médias est essentielle dans l’éducation des Français. Pourtant comme on l’a vu plus haut, ils pêchent gravement à ce niveau.
Cependant tout n’est pas à jeter: à regarder le programme de la filière ES, il y a plein de bonnes choses, comme le point suivant: « On montrera que le marché ne fonctionne pas (et n’a jamais fonctionné) sans règles de droit », en contradiction directe avec le dernier livre de l’intellectuel public sus mentionné, Jacques Attali.
L’économie: un salmigondis…
… parce que même quand on comprends le sens du mot, ça nous aide par forcément!Premier point, le français de la finance n’est clairement pas pratiqué dans les salles de marché : une phrase concise telle que « long put » se traduit par « acheter une option de vendre ». Dix fois trop long… Mais cet écart entre la lettre et la pratique donne des erreurs à la traduction parfois à la limite du grotesque, comme cet article du journal Le Monde qui traduit « short » par « court ». Soit, la vraie traduction est « vente à découvert », c’est bel et bien un terme peu courant, mais à moins de trouver une autre formule, ça prête forcément à confusion!
De plus, l’économie n’est visiblement pas une affaire de spécialistes techniques, mais plutôt la chasse gardée des intellectuels publics, du gourou limite star system comme l’incarne Jacques Attali jusqu’à l’entourloupeur auto-proclamé statisticien économiste (tel cet anthropologue « spécialiste des dérivés du crédit » dont Le Monde en reprend à pleines bouchées). Car avant de contester l’orthodoxie du monde académique, encore faut-il être en mesure de l’expliquer.
Enfin, le point central à mon sens est la part de l’éducation économique en France. Beaucoup d’élèves français passant leur bac en 2010 n’ont pas vu une seule minute d’économie… Par conséquent, la responsabilité des médias est essentielle dans l’éducation des Français. Pourtant comme on l’a vu plus haut, ils pêchent gravement à ce niveau.
Cependant tout n’est pas à jeter: à regarder le programme de la filière ES, il y a plein de bonnes choses, comme le point suivant: « On montrera que le marché ne fonctionne pas (et n’a jamais fonctionné) sans règles de droit », en contradiction directe avec le dernier livre de l’intellectuel public sus mentionné, Jacques Attali.
L’économie: une nécessité
Les idées sont donc bien en place, ne reste plus qu’à les propager dans le système éducatif. Pour ne plus entendre que la France se fait du pognon sur le dos de la Grèce en prêtant à 5% alors qu’elle peut emprunter à 3%. Pour savoir s’il faut traiter Sarkozy d’imbécile quand il nous parle de la dette de la France. Somme toute, pour aller au-delà du constat (« C’est la crise… ») et prendre son destin en main.
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