Repost du 29/06/2010 14h25
Fin mai, l’Allemagne a décidé d’interdire la vente à découvert (ou short selling) sur les actions de dix entreprises allemandes et sur la dette souveraine ainsi que les CDS de certains pays européens
Fin mai, l’Allemagne a décidé d’interdire la vente à découvert (ou short selling) sur les actions de dix entreprises allemandes et sur la dette souveraine ainsi que les CDS de certains pays européens
Pourtant personne n’a émulé cette mesure, en particulier en Europe. Certains ministres, dont Christine Lagarde, ont publiquement critiqué cette décision, en parlant notamment de « liquidité ». Mais alors, qu’est ce qui a bien pu lui prendre à notre Angela préférée?
The long and the short of it
Tout d’abord, revenons sur le short selling. Ici il concerne deux types de transactions différentes : d’une part sur les actions et la dette concernées, le procédé consiste à emprunter les titres – à quelqu’un qui en a beaucoup sous le coude et qui ne sait pas trop quoi en faire, type fonds de pension ou assureur- pour les vendre en espérant que le prix ait chuté au moment de rendre ce qui a été emprunte. Ce procédé est extrêmement courant, et la plupart du temps, repose sur des conjectures (ou pari, selon comment on envisage la chose) sur l’évolution des cours.L’interdiction ou suspension de la vente à découvert est souvent utilisée quand les marchés chutent lourdement, comme cela a pu se passer avec les bourses européennes et américaines fin 2008 pour limiter les réactions irrationnelles. Mais dans un marché normal, le short selling est un des outils essentiels pour contrôler les bulles spéculatives. En effet, si les cours s’envolent sans fondement, certains plus astucieux que d’autres vont utiliser cette technique dans l’espoir de voir les cours chuter (enfin en théorie parce que les astucieux n’attaquent pas les bulles tout de suite, ils la suivent un certain temps avant de se retourner contre elles). Mais la logique reste la même : si l’offre et la demande fixent les prix, il faut des vendeurs pour que les prix baissent. Pour Angie, sur ce point, on peut discuter longuement de savoir si les marchés sont dans un état normal. Quant à l’argument de Christine Lagarde concernant la liquidité des marches, les dettes souveraines ne seront certainement pas trop affectées par cette mesure pas plus que les marchés actions car la mesure ne concerne qu’une poignée de compagnies.
Tout nu dans l’escalier
Le point le plus médiatique concerne le deuxième type de transaction, j’ai nomme les Credit Default Swap (CDS), qui au Journal Officiel se traduisent en Français par « couverture de défaillance ». Ce contrat est très proche de l’assurance car il lie deux parties dont l’une paie une prime (le CDS spread) à l’autre qui en échange s’engage à payer une somme d’argent si un événement de crédit se produit. Exemple réaliste au vu de l’actualité récente : je suis un hedge fund, j’ai achète un CDS (autrement dit, j’ai acheté de la protection) il y a 5 ans pour 10 ans sur les bonds grecs et la Grèce fait un défaut de remboursement malgré les efforts concertés des Etats de la zone euro. Mon « assureur » (une banque française au hasard) doit alors me payer la perte de valeur sur les bonds grecs stipulés dans le contrat. Ce qu’on appelle short selling dans ce cas est juste le fait de souscrire à un de ces contrats. On le voit ici, cette interdiction concerne en fait plusieurs pratiques différentes!Malgré tout, il y a deux différences majeures avec un contrat d’assurance : on ne peut souscrire une assurance sur une voiture que si l’on est le propriétaire de la-dite voiture! Ici, il est possible de parier sur la faillite de la Grèce sans y être par ailleurs exposé (ce que les anglo-saxons appellent un naked CDS). Par ailleurs, l’assureur et l’assuré doivent tous les deux avoir intérêt à ce que l’événement n’arrive pas. Généralement, on préfère que sa maison ne brûle pas même si l’assurance est généreuse. L’exemple classique rabâché souvent ici, est que dans le cas d’un CDS, on fait un peu comme si prenait une assurance sur la voiture du voisin, avant d’en péter les rétros…
Elle va marcher beaucoup moins bien!
Le problème consiste justement à savoir si on peut aller, figurativement, vandaliser les biens des copains dans le cas d’un CDS. Historiquement, un investisseur seul peut décider d’attaquer un pays, et contrairement à Don Quichotte, gagner. Ce fut le cas de George Soros qui fit sauter la Banque d’Angleterre en faisant sortir la livre de l’EMU. Cependant, on pourrait voir les choses différemment pour notre CDS: Si on décide de payer deux fois plus pour assurer la voiture du voisin, ca ne va pas la faire brûler plus vite! A dire vrai, les liens entre CDS spread (la prime d’assurance mentionnée plus haut) et les taux auxquels les Etat peuvent emprunter sont un peu plus compliqués que ca. Mais il semblerait que ca soit plus les seconds qui font bouger les premiers que l’inverse. De plus il ne faut pas oublier que les marchés ont leur logique interne (l’absence d’arbitrage) qui fait que deux segments des marchés très liés comme les CDS et les bonds du Trésor ne peuvent rester longtemps incohérents.En fait, peut être que le problème dans cette affaire n’est pas le bien-fondé de la décision allemande. Imposer une contrainte sur le marché fonctionne un peu comme appuyer sur un ballon de baudruche : les acteurs sont incités à aller s’agiter ailleurs et à faire gonfler un autre segment. C’est en partie ce qui s’est passé avec le marché immobilier américain, lorsque l’Etat, pour toutes sortes de raisons aussi valables les unes que les autres a agi pour favoriser l’accession à la propriété des foyers les plus modestes, ce qui a eu pour conséquence de créer une bulle spéculative. On voit donc qu’une décision aussi radicale que celle prise par le gouvernement Merkel peut avoir des conséquences inattendues (bénéfiques comme négatives, je tiens à préciser). Seul l’avenir nous dira si elle a eu raison.
En fait, fondamentalement, le problème est l’annonce de la mesure, sans concertation avec ses petits camarades européens et surtout sans mesurer le soubresaut chez les financiers. Parce que pour rester cohérent, après avoir refinancé une partie des Landesbanken, créer une potentielle crise de liquidité, c’était pas très malin…
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