Apple, le géant de l’électronique et du marketing de masse, a récemment été pris pour cible par l’un des ses investisseurs. Décrit par les medias français, le sujet est devenu le combat du capitalisme de bon père de famille contre la monstruosité de l’actionnariat de court terme. Pourtant, cette vision est bien loin du compte et une petite mise en perspective s’impose.
Fin février, David
Einhorn, le gérant du hedge fund Greenlight Capital, s’est mis en tête de réclamer
à Apple le paiement de dividendes pour tous ses actionnaires. Malgré sa participation
relativement modeste de 0,14%, son influence est grande à Wall Street et ses
choix d’investissements, qu’il rend public, font bouger le marché à tous les
coups, ce qui lui confère une aura de gourou de la finance.
Flickr (c) -MATEUS_27 |
Par la suite,
Warren Buffett, investisseur mythique et l’un des hommes les plus riches
du monde, se mêle de donner son avis sur le
sujet, avec lequel il n’a rien à voir (il ne possède pas de parts dans Apple
semble-t-il et n’a pas investi dans le fond Greenlight), comme il aime à le faire. Il conseille à Tim
Cook, le PDG d’Apple d’ignorer les attaques (qui ont fini par s’arrêter) et de
se concentrer sur la création de valeur, suggérant une stratégie d’investissement ambitieuse. Cette recommendation n'est pas vraiment étonnante de la part de Buffett car son conglomérat,
Berkshire Hathaway, n’a jamais versé de dividendes et pratiquement jamais
racheté d’actions: les gains pour les actionnaires proviennent seulement de
la croissance organique de l’entreprise et du cours de Bourse qui s’ensuit.
En France, on s’est
empressé de s’extasier sur la sagesse de l’Oracle d’Omaha (la ville d'origine de
Buffett). Cependant, quelle est l’origine de la pile de liquidités qu’Apple a
entre les mains? Elle est bien sûr le fruit de son énorme succès au cours de
la dernière décennie. Mais elle est aussi le résultat de colossales stratégies
d’évitement fiscal. Car en laissant leurs profits obtenus en dehors des Etats-Unis bien
au chaud dans des paradis fiscaux sans jamais les rapatrier,
les firmes multinationales américaines, en premier lieu desquelles Apple,
accumulent du cash (1
200 milliards à l’heure actuelle selon Bloomberg) tout en minimisant leurs impôts.
Ce qui ne correspond clairement pas à la définition du capitalisme de papa…
D’où la fronde
des actionnaires : tant que le cours de Bourse montait, ceux-ci ne
trouvaient rien à redire à ce fonctionnement improductif. Cependant, maintenant
qu’il pique du nez, l’idée est de récupérer ce cash qui dort quelque part dans
les Caraïbes, pour l’investir ailleurs dans des projets plus rentables.
En tout état de
cause, il est clair qu’on ne parle pas ici d’un combat entre le gentil créateur
et le vil financier, sous l’œil paternel et bienveillant de Warren Buffett. On
parle ici de gros sous et de lutte de pouvoirs entre des gens qui savent très
bien ce qu’ils font et mettront en œuvre pour arriver à leur but…
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