Martin Feldstein, économiste de Harvard, explique dans un post récent sur Project Syndicate que la politique de Quantitative Easing (QE) de la Fed aurait dû conduire à une forte inflation et cherche à expliquer pourquoi celle-ci reste en fait obstinément faible.
Son idée part d'une intuition formalisée par Milton Friedman : « L'inflation est toujours et en tous lieux un phénomène monétaire dans le sens où elle n’est et ne peut être créée que par un accroissement plus rapide de la quantité de monnaie que de la production ». En gros, trop d'argent en poche et pas assez de choses à acheter avec. Cet accroissement monétaire repose sur deux étapes qu’on simplifie ici :
1. La banque centrale agit comme la banque
des banques commerciales. Elle peut ainsi influer sur l’économie dans son
ensemble en contrôlant la quantité de monnaie dans les comptes courants que ces
dernières y détiennent
2. Les banques prêtent de l’argent à leurs
clients en fonction de leurs capacités de financement qui sont dépendent
directement des réserves qu’elles détiennent auprès de la banque centrale. Comme elles prêtent plus qu'elles n'ont, cela démultiplie la quantité de monnaie en circulation dans l'économie.
Il faut quand même noter que le mécanisme de transmission monétaire est dans son ensemble assez mal connu. En tout cas, le QE est une façon d’agir sur la demande via la création de monnaie en utilisant le premier point. On s'attendrait donc selon cette caractérisation de l'inflation à la voir devenir galopante, vu l'ampleur du programme.
Harvard, le charme suranné de la Nouvelle-Angleterre |
Pourtant, c'est clairement du n'importe quoi comme l'explique rigoureusement ce post de Noah Smith du blog Noahpinion. En effet, Feldstein se garde bien (et c'est assez étonnant pour être souligné) de dire que le taux en question est de 0,25%. Il est donc très faible : pour donner un ordre de grandeur, le nouveau taux du livret A en vigueur dès le 1er août (et qui fait tant jaser) est cinq fois plus grand à 1,25%. Autant dire que la Fed paye des clopinettes…
L'argumentaire de Feldstein se ramène donc à cela : ce qui empêche les banques de prêter, c'est le fait de pouvoir gratter 0,25% auprès de la Fed, et que donc le choix entre soutenir ou non un projet d'investissement se joue sur un différentiel de rendement ridicule...
Une explication réaliste de l'absence d'inflation repose plutôt sur le deuxième point, en constatant simplement que les banques d'une part ont peur de prêter dans un contexte économique incertain, et que d'autre part, elle doivent se désengager de leurs investissements précédents et renflouer leurs pertes avant de pouvoir repartir de l'avant.
En résumé, il ne faut pas tout prendre pour argent comptant, Harvard ou pas !
PS : Ce taux d'intérêt, qui répond au doux nom de Interest On Excess Reserves (IOER) est potentiellement quand même une variable importante, mais pour le financement bancaire et non pour l'inflation. On s'y intéressera dans un autre post en plongeant dans les méandres de l'interaction entre les money markets (un marché à plusieurs millions de milliards de dollars qui est au cœur de la crise) et les banques centrales.
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