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mardi 17 septembre 2013

Au revoir 00h00.com

Alors qu’Economiam vient de se pencher sur le Krach de 1929, revenons sur la crise que nous traversons actuellement, l’autre crise, celle qui n’aurait plus jamais dû se produire. Tout commence dans les années 90, lorsqu’on pensait avoir tout compris du fonctionnement de la macroéconomie, qu’Alan Greenspan était l’omnipotent président de la Fed et que seuls subsistaient quelques petits nuages dans le ciel serein de l’économie théorique, pour paraphraser Lord Kelvin. Puis survint le 21e siècle, sans bug de l’an 2000, mais avec un sacré foutoir ! Dernier article de la Saga des Bulles en guise de conclusion, sur une période que les plus de dix ans ont tous vécue.

Le rayonnement du corps noir

Dans cet épisode, notre héros s’appelle Alan Greenspan. Tout le monde le connaît aujourd’hui, mais il entre véritablement dans l’histoire le 19 octobre 1987, que certains (avec une originalité confondante) appellent le Lundi Noir. Ce jour là, les bourses mondiales s’effondrent, perdant entre 20 et 50% en une seule journée, de quoi ressusciter le spectre d’une nouvelle Grande Dépression. Mais le très monétariste Greenspan a appris la leçon de ses prédécesseurs : il ouvre grand les vannes de la Fed qu’il dirige et stoppe l’hémorragie. C’est le début de la légende et cet activisme de la Fed reçoit le doux nom de « Greenspan put », du nom d’un produit financier qui permet de s’assurer à la baisse.

La petite quinzaine d’années qui suit est un âge d’or économique pour les Etats-Unis : les récessions sont peu sévères, la croissance est en moyenne très forte et le budget du gouvernement est en surplus de façon persistante. Bref, tout baigne ! Même les crises semblent vouloir se résoudre dans le calme, comme en témoigne la fin du hedge fund LTCM qui, après quelques soubresauts dus aux marchés internationaux, est liquidé par ses créditeurs, sous la houlette de Greenspan. En reconnaissance de sa gestion des crises sur les marchés émergents (Tequila, Asie du Sud-Est…) aux côtés de Robert Rubin et Larry Summers, il fait la couverture du Time Magazine. Ces trois là deviennent le « Comité pour sauver le monde »… Ne manque plus que la cape et la Batmobile !

Pourtant, en dehors des Etats-Unis subsistent quelques zones d’ombre. La Japon est en proie à la stagnation et est tombé en plein dans une trappe à liquidité dont il peine à s’extirper, tandis que l’Europe croule sous le poids de son taux de chômage. Mais bon sang ne saurait mentir, le verdict américain est sans appel : c’est la faute à une gouvernance économique inepte, qui refuse d’embrasser l’orthodoxie libérale américaine et les réformes structurelles. Voilà la majeure partie du monde occidental rejeté au rang de curiosité théorique…

Pride goeth before a fall

En arrière-plan, se développe une nouvelle technologie, l’Internet. La magie du numérique incite les gens à investir sans retenue dans la révolution de demain, au point de demander des taux de rendement de 0% à des entreprises qui ont un historique continu de pertes et qui s’avéreront ne jamais payer un seul centime de dividendes. On a parlé précédemmentde l’étude de Brunnermeier et Nagel : une fois n’est pas coutume, on ne va pas s’attarder plus longtemps sur le fait que cette formidable appréciation du cours des actions des entreprises de technologie n’était rien d’autre qu’une bulle.

A l’Ouest donc, rien de bien nouveau. Mais là où ça devient intéressant, c’est quand on apprend que si le Greenspan Put a de nouveau fonctionné en relançant la croissance, il y a un sacré hic : l’emploi ne repart pas. Encore une curiosité théorique peut-être ? Mais bon, certainement en voilà une qui fait tache, et dont on ne connaît toujours pas l’explication… C’est ce qu’on appelle la Jobless recovery, le redémarrage sans l’emploi.

Credit crunch

Ce qui nous amène, bon an, mal an, à ce que nous vivons actuellement. Se rendant quand même compte qu’une partie de son mandat consiste à favoriser l’emploi, la Fed garde une position très accommodante en termes de liquidité en maintenant les taux d’intérêt plutôt bas. Le coût du crédit est donc très faible après l’éclatement du Dot.com boom. Le terrain est donc préparé pour la prochaine bulle, du crédit et de l’immobilier celle-là, avec la formidable expansion de l’endettement américain qui a éclaté en la crise que l’on sait.

Bien évidemment, cette récession ne se résume pas à ce seul facteur. Le post-mortem continue et durera sûrement encore pendant un bout de temps. Mais toujours est-il que ce sujet de la position à adopter par les banques centrales est crucial pour les années à venir : pourquoi la Fed n’a-t-elle pas agi pour contenir la bulle immobilière qu’elle voyait se développer sous ses yeux ? Les politiques de Quantitative Easing que suivent actuellement les anglo-saxons ne vont-elles pas nous mener à une nouvelle surchauffe ? Ou bien est-ce la Banque Centrale Européenne qui est suicidaire dans sa rigueur monétaire ?

Il reste donc beaucoup de réponses à apporter. Cette crise a vu le retour de points de vue hétérodoxes sur l’économie, la sortie d’outre-tombe d’un certain nombre d’économistes défunts (au premier rang desquels Minsky) ainsi que la volonté d’intégrer le secteur financier aux modèles macroéconomiques. L’histoire économique, en particulier des bulles, fait aussi un comeback retentissant. Mais pour ce qui nous concerne, la fin de l’été approchant, c’était bel et bien le dernier épisode de notre Saga des Bulles !

Pour ne pas rester sur cette conclusion très sérieuse et comme on aime aussi s’amuser sur Economiam, voici deux comics strips de Dilbert sur le Dot.com boom. Enjoy !

Dilbert.com
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