Marx et Hayek sont dans un bateau...
Make it rain, baby! |
Mais ce phénomène n'est pas que purement médiatique, car des initiatives politiques concrètes en ce sens ont été lancées en Finlande et en Suisse. Même en France, le Conseil national du numérique vient récemment de le suggérer dans un rapport remis à la Ministre du Travail, avec de surcroît le Ministre de l'Economie Emmanuel Macron qui a l'air de vouloir y réfléchir (même si on suppose qu'il disait ca pour se marrer...).
Et puis, point frappant, le RU parvient à faire s'accorder l'ultra gauche et l'ultra libéralisme. Pour les premiers, il s'agit de briser le joug du salariat, pour revaloriser le travail non monétaire (par exemple artistique/culturel, ou domestique) face aux excès du capitalisme financier mondialisé. Pour les seconds, il s'agit de simplifier la structure de l'Etat pour mettre à bas le Léviathan qu'est devenu l'Etat providence. Et le projet n'est pas porté que par des hurluberlus : de grands penseurs comme Thomas More au XVIIIe siècle ou encore les Prix Nobel d'Economie Milton Friedman ou Friedrich Hayek ont été de fervents partisans du RU.
Bon, on ne va pas le cacher, on flaire un peu l'arnaque chez Economiam, comme souvent avec ce qui est trop beau pour être vrai. Mais on peut toujours rêver...
On peut rêver, mais ça fait pas rêver
Le sujet n'est pourtant pas du tout étranger à l'analyse économique sérieuse. En effet, la théorie de l'imposition optimale peut être utilisée pour essayer d'appréhender le niveau de ce revenu de base.
Une approche naïve suppose que l'Etat peut simplement s'approprier l'ensemble des revenus, et les redistribuer de façon égale entre les individus. Cependant, on sait depuis les travaux de James Mirlees en 1971 qu'il y a un équilibre à trouver entre efficacité économique et équité sociale1. Ainsi, en toute logique, le revenu minimum doit se situer à un niveau suffisamment faible pour ne pas complètement ôter toute incitation à travailler, tout en assurant une redistribution suffisante. Vues ainsi, les choses ne seraient pas fondamentalement différentes de la situation actuelle : le but est d’avoir des revenus disponibles après impôts qui soient croissant, de sorte que seuls les plus pauvres toucheraient vraiment le RU, les autres le voyant disparaître progressivement en impôt2. C'est là l'arnaque, il n'y a donc pas de miracle.
Dans un article de 2002, l'économiste français Emmanuel Saez, chercheur reconnu pour ses travaux dans ce domaine (ce qui lui a valu la prestigieuse John Bates Clark en 2009) évalue le RU aux Etats-Unis à $7 300 par an contre un seuil de pauvreté américain situé un peu au-delà de $9 000 au début des années 2000. Notons aussi que, sans modélisation particulière, les propositions récentes en France se situent aux alentours de €600 à €800, soit là encore sous le seuil de pauvreté (tel que définit par l’Insee).
La cigale et la fourmi
Mais par delà ces estimations, ce que l'on voit aussi de ces travaux c'est que l'économie ne peut répondre que pour des niveaux de préférences sociales/sociétales données. En d'autres termes, une société qui a très envie de redistribuer aux plus pauvres va leur donner plus d'argent. Tout bêtement.Se posent donc des questions de contrat social, qui sont passées sous silence dans toutes ces discussions médiatiques. On peut en effet légitimement supposer que les débats vont rapidement tourner de qui mérite le RU, comme cela s’est passé au Royaume-Uni au XIXe siècle avec les Poor Laws qui imposent aux indigents de travailler dans des Workhouses pour pouvoir bénéficier de la charité publique, le soupçon étant très fort qu’ils ne seraient pas très motivés pour travailler sinon, augmentant in fine le coût de leur prêter assistance.
Et puis dans le monde ouvert dans lequel nous vivons, se pose aussi la question de savoir à qui s’adresse ce revenu universel : aux seuls citoyens ? Aux résidants ? A tous ceux qui en feraient la demande? La simplification administrative grâce au RU mise en avant par certains est un faux argument en pratique : la question du méritant se posera toujours car la solidarité nationale dit bien son nom...
Bref, obtenir que chacun contribue selon ses moyens et que chacun obtienne selon ses besoins, pour paraphraser Proudhon, restera toujours autant une utopie, même avec un revenu universel…
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1. Ce qui lui a valu un prix Nobel en 1996
2. On voit ainsi que le RU est équivalent à un impôt sur le revenu négatif pour les plus pauvres, les autres étant imposés à des taux positifs qui annulent le RU. C’est ainsi que les libéraux conçoivent le RU.
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