Too cool for school, Britannia
Le Brexit (contraction de Britain et Exit) désigne une possible sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne. Cette sortie devrait être tranchée par un référendum fixé au 23 juin par le premier ministre David Cameron.David se sent inquiet... |
Les principaux soutiens du Brexit sont généralement très à droite dans le spectre politique, United Kingdom Independance Party (UKIP, qui se situe quelque part entre la Droite Populaire et le Front National) et aile eurosceptique des Conservateurs (le parti de droite actuellement au pouvoir), auxquels s'est récemment rajouté le très populaire ancien maire de Londres, Boris Johnson.
Pour remettre les choses en contexte, il faut voir que le rapport du Royaume-Uni à l'Europe a toujours été un peu spécial :
- Chronologiquement, les Brits n'ont jamais été un moteur de la construction européenne, ayant rejoint la Communauté Economique Européenne sur le tard en 1973, après avoir essuyé plusieurs vetos du Général de Gaulle.
- Culturellement, ils ont toujours su entretenir leur particularisme, ce que reflète la sémantique : pour beaucoup d'entre eux, « l'Europe » c'est le continent, une entité bien distincte de leur insularité.
We are not amused
Même si, de prime abord, la volonté de sortir de l'UE des britanniques semble coïncider avec la vague de mécontentement qui agite les autres pays membres, ses motifs sont en fait assez différents :- Euro : C'est simple, les Britanniques ne l'ont pas. Ils sont en dehors du processus d'intégration vers la monnaie unique, depuis leur retrait en 1992 . Le Brexit n'est donc pas une façon de recouvrer la souveraineté monétaire, cri de bataille de certains politiciens de la zone euro.
- Austérité : Nombre d'analyses de la crise de la zone euro tournent autour du rééquilibrage par l'austérité (en Grèce par exemple) et non par la relance de la demande (en Allemagne). L'UE est ainsi vue par certains comme imposant des souffrances inutiles sur les peuples, ce qui les amène à réclamer plus d'indépendance dans la conduite de la politique budgétaire nationale. Pourtant, ceci n'est pas un facteur dans les débats britanniques, le pays n'ayant pas rechigné à subir l'austérité de ces dernières années, réélisant le gouvernement de David Cameron.
- Crise des réfugiés : Après la crise économique qui menace de remettre en cause la libre circulation des capitaux, une autre liberté fondamentale de l'UE, celle de circulation des personnes, est de plus en plus mise en danger avec l'afflux immense de réfugiés auquel on assiste depuis de nombreux mois maintenant. Inimaginable auparavant, les fermetures de frontières se font de plus en plus fréquentes (entre la Belgique et la France tout récemment). Mais ceci ne devrait raisonnablement pas faire partie du débat outre-Manche : en plus de la frontière naturelle de son insularité, le Royaume-Uni est surtout dehors de la zone Schengen qui garantit la libre circulation des personnes !
- Budget de l'UE : Depuis Margaret Thatcher, ils n'ont eu de cesse de se plaindre du poids sur le budget de sa majesté de leur contribution au budget européen. Pourtant, cela représente un quarantième de leur budget national !
- Kafka : Le fonctionnement bureaucratique des institutions européennes est vraiment au cœur des préoccupations britanniques (enfin surtout des Conservateurs, le parti de la droite libérale). Mais cet argument est légèrement de mauvaise foi : l'Etat britannique n'a clairement pas attendu l'UE pour créer de la bureaucratie !
Making [fill country here] great again
Cependant, même si les justifications immédiates du Brexit ne sont pas celles qui motivent le reste de l'Europe, il semble que les ressorts profonds soient quand même similaires : il s'agit surtout de la peur du déclassement, individuel et national. Ce n'est pas pour rien que les populistes de tous poils n'ont que la grandeur (passée) de leur pays à la bouche, de Donald Trump ("We're gonna make America great again") à l'ex-ministre conservateur britannique Iain Duncan Smith ("This country is the greatest on earth.”). Le débat britannique ne tourne alors plus autour d'un bilan comptable des mérites et défauts de l'appartenance à l'UE, mais autour du rétablissement d'un noyau national dont l'essence a par le passé produit un des plus grands empires coloniaux de tous les temps.En conséquence, on pense chez Economiam que les batailles de chiffres n'ont vraiment que peu de sens. Ceux-ci servent surtout de justification a posteriori de croyances ancrées a priori. Il s'agirait donc plutôt de toucher le cœur des européens de part et d'autre de la Manche. Pourtant, le moins qu'on puisse dire c'est que l'identité européenne n'a jamais réussi à s'imposer sur les différentes identités nationales qui la composent, tant il est difficile pour un citoyen européen de s'approprier quoi que ce soit de l'UE hormis une politique de libre échange et un fonctionnement technocratique. Rien de bien inspirant en somme !
C'est aussi là que se jouent concrètement les chances de voir ou non un effet domino à la suite de la sortie du Royaume-Uni. Pour Economiam, une dislocation aura lieu tôt ou tard, et indépendamment du Brexit, si les peuples ne peuvent plus être convaincus du bienfondé du projet européen...
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